Anonyme [1652], LE TROMPETTE OV HERAVT DV CIEL, Denonçant au Roy, à la Reyne, & à leur Conseil. Aux Duc d’Orleans, Prince de Condé & autres. Ville de Paris & reste du Royaume, la Paix que Dieu leur veut donner, & qu’il leur presente. Où la destruction, s’ils la refusent de sa main liberale. , françaisRéférence RIM : M0_3895. Cote locale : B_16_38.
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LE TROMPETTE, OV
Heraut du Ciel, denonçant au Roy, à la
Reyne, & à leur Conseil. Aux Duc
d’Orleans, Prince de Condé & autres.
Ville de Paris & reste du Royaume, la
Paix, où destruction s’ils la refusent.

C’Est à vous Roy & Reyne des François
à qui premierement ie suis enuoyé de
par le Roy des Roys, & Seigneur des
Seigneurs, qui fait seoir sur le Trosne,
& orne le chef d’vn Diadesme, & la
main d’vn Sceptre, pour regner en Iustice :
pour vous denoncer entendre
à la PAIX que tout le Peuple de vostre Royaume vous
demande. Il aime la Paix ; il haït le trouble & le sang.
Il cherit la Iustice. Il a veu la misere de la France, a
ouy la clameur de tant de milliers d’ames qui crient à
luy, pour les maux qu’ils souffrent à present soubs
ce Regne. Car il a ouy le cry des enfans qui sont encor
dans le ventre de leurs meres, languissans & perissans
auec celles qui les portent, par la grande necessité où les
ont reduits la cruauté, la barbarie ? & l’effrenée licence
de vos Armées & de leurs Chefs, & du Conseil que vous
auez allentour de vostre personne, qui abusans de vostre
ieunesse & authorité, & voulent assouïr leurs dereglées
passions, & engloutir vostre bien & celuy de vostre
peuple, vous feront prendre le train de ceux qui n’ont
pas veu leur Regne long. Ils vous mettent dans le chemin
où fut conduit le Roy Roboam fils de Salomon, &
petit fils du Roy Dauid, par les mauuais Conseils qui

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luy furent donnez, (semblables à ceux que l’on vous
donne) qui par leurs aduis & conseils le porterent a
parler rudement, & traitter durement ses peuples qui
imploroient sa douceur, & qui ne luy faisoient que requestes
tres-iustes, ciuiles & tres-innocentes : Ce qui
les mit hors des gonds, & de l’espoir de viure plus doucement
qu’ils n’auoient fait sous la fin du Regne de Salomon
son pere, & qui leur fit ietter cette funeste & publique
voix, Quelle part auons nous en la Maison de Dauid ?
Maison de Dauid pouruoy à toy. Et des-lors les dix
parts, & plus, du Royaume s’esleuerent & s’establirent
vn nouueau Roy, & reietterent Roboam leur legitime
Seigneur, à qui il ne resta qu’vn Tribu & demy de
douze, que ses Ayeuls luy auoient laissées : & dont luy,
ny ses successeurs n’ont iamais pû iouy ny ramener à
leur obeyssance.

 

O ! Roy, remarqués cecy, & vous tous Dominateurs
& Souuerains de la Terre, afin de gouuerner vos Sujets
en douceur comme bons peres de famille, car ainsi
estoient appellez les premiers Roys & Gouuerneurs des
peuples, qui viuoient & regnoient en seureté & tranquilement.

Les mauuais Conseillers corrompent les bonnes mœurs
des Princes : Et les Roys & Souuerains les doiuent
esloigner d’eux comme pestes qui infectent leurs personnes,
& font mourir leurs sujets. Et où il n’y-a point
de Sujets il n’y a point de Prince. C’est pourquoy, ô
Roy Louïs, chassez, s’il vous plaist, d’alentour de vous
tous ces mauuais Conseillers, qui pourroient estre la
perte & ruine totale de V. M. & de vos sujets, comme il
s’est veu ailleurs, & se voit encores aujourd’huy.

I’ay fait tomber la Couronne de ce beau Royaume,
entre les mains d’Henry de Bourbon lors qu’il n’y
auoit point d’apparence ny d’esperance que cela luy
deust arriuer, Henry de Valois II. du nom, ayant laissé
trois fils qui ont Regné l’vn apres l’autre, & eu femmes

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capables de perpetuer la Royauté à leur famille & à leur
nom, si ie n’eusse resserré la matrice de leurs espouses
pource que cette Maison de Valois auoit en vn tres mauuais
conseil aupres d’eux ; voila pourquoy ils n’ont point
eu le guerdon de posterité. I’ay fait soir ce grãd Henry,
ce genereux Bourbon sur le Trosne François, quoy qu’il
eust beaucoup plus d’ennemis & dedans & dehors que
de cheueux en teste. Ie l’ay rendu victorieux sur Rois,
Princes, Potentats & Peuples, & ay desconfit tout ce
qui se vouloit ou pensoit esleuer contre luy, & l’ay assis
sur le Trosne en despit de l’Espagne, de l’Italie, Sauoyé,
Lorraine & de tous les meschans François.

 

Quant à Louis XIII. son fils, il estoit bon de son naturel ;
mais il s’est laissé mener par le Conseil qui l’a gouuerné
selon le temps de sa vie, aussi a-t’il ressenty & son
peuple ce que cause le mauuais Conseil à vn Prince,
& à ses suiets.

Que toutes ces choses & ces exemples, penetrent
vos aureilles, & touchent vostre esprit, ô Roy Louys,
afin de ne tomber aux perils des Princes, qui ne cerchans
que la vengeance sur ceux qu’ils pretendent les
auoir offencez, rebutent tout conseil de misericorde &
de paix : & que pensans executer & leurs passions & celles
d’autruy, se voyent ordinairement descheus de leur
vanité, & tombent aux pieds de celuy qui brise la teste
à Princes & à Rois au iour de sa colere & de son indignation.
Faites pardon à qui vous aura offensé, & en cela
imiterez vous le Roy des Rois. Donnez la paix à vos sujets
& ils vous obeïront, vous aimeront & vous beniront,
vous serez florissant, craint & honoré de vos voisins,
& redouté des autres Puissances de l’Europe & de
l’Asse, ainsi qu’il s’est veu és regnes de S. Louys & de
Louys XII. Rois de France, qui ont esté aymez de Dieu
& des hommes. Que si vous ne voulez obtemperer au
vouloir du Tour puissant & que vous vouliez la guerre
contre vos subiets qui ne vous ont point offensé, & faire

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perir, l’innocent auec le coupable, & destruire à l’appetit
d’vn Estranger ce florissant Empire, Il vous denonce
par moy, qu’il prendra en main la cause de l’innocent
& de l’affligé Que ses armées sont toutes prestes,
qu’elles sont inuincibles & payées iusques à ce qu’il ait
abaissé & foulé à ses pieds tous ceux qui s’esleueront
contre luy.

 

Et si l’Ange qui eust le commandement, de celuy qui
Regne aux Cieux & en la terre, de faire la guerre au second
Roy d’Israël, qui luy auoit despleu, qui luy tua soixante
& dix mil hommes en peu d’heures. Et au Roy des
Assyriens, Sennacherib du temps d’Ezechias, qui luy
demandoit la paix, & s’assuiettissoit & son peuple à luy,
& rendoit son vassal & tributaire ; Ce Roy cruel &
orgueilleux luy refuse la paix, & iure de le perdre &
tout ce qui luy appartenoit. Le Tout puissant & le Seigneur
de paix, enuoya la nuict suiuante en son Camp
son Ange destructeur, qui luy tua en moins d’vn tournemain
cent quatre-vingts cinq mil de ses meilleurs
soldats, iour venu la terre fut veuë couuerte de corps
morts, dont ce Tyran tout effrayé s’ensuit, & laissa
malgré luy, en paix ceux à qui il l’auoit refusée : Il s’enfuit
& se retire en son païs, où la iustice du Dieu fort le
poursuit & l’attrape en sa Ville Capitale, & dans l’Oratoire
de son Dieu Neroch, où deux de ses fils Adramelech
& Sarasar le tuerent à coups d’espées, & ne
trouua point de misericorde ny de paix auc les siens,
pource qu’il l’auoit refusée à ceux qui la luy auoient
demandée.

Si Cirus le grand Roy des Perses, Medes, Assiriens,
Siriens & Monarque de plusieurs autres grands peuples
& nations, eust accorde la paix à Tomiris Reine des
Messejettes qui la demandoit pour le Roy son fils, en
maillot, il ne fust pas tombé en vie entre les mains de
cette Reine, qui, apres auoir taillé en pieces son armée,
tant de fois victorieuse de plusieurs plus puissans Royaumes

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que celuy des Messejettes, luy trencha la teste
de sa propre main, la prit & ietta dans vn vaisseau
plain du sang des vaincus, proferant par indignation ces
paroles ; Puis que tu ne t’és pû saouler de sang en ta vie,
saoule t’en en ta mort. Que s’il eust escouté les paroles
de paix de cette pauure veufue & desolée Reine, il ne
fust pas mort auec cette honte que ce fust par la main
fragile d’vne femme ; luy qui auoit esté doüé de tant de
rares & heroïques vertus qu’il estoit donné pour exemple
& pour miroüer de generosité, de vaillance, de prudence
& de clemence à tous les Rois de la Terre : Voila
quelle a esté la fin tragique de ce grand Monarque pour
n’auoir voulu entendre à la paix demandée.

 

Regardez donc ô Roy Louys, cette histoire precedente,
si vous receuez le Conseil de Dieu, & si vous faites
ce qu’il veut de vous, à sçauoir que vous donniez repos
aux peuples qu’il vous a soubsmis, que vous aimiez l’aix
& Iustice, il vous promet qu’il sera auec vous ; vous couurira
d’vne targe impenetrable : Car il est aussi iuste &
aussi puissant auiourd’huy qu’il a esté cy deuant, &
le sera eternellement.

Le Duc d’Orleans vostre Oncle, Prince sage & benin,
& qui vous ayme de tout son coeur, Le Prince de Condé
genereux & vaillant, auec les autres grands Seigneurs,
tous vos Parlemens, vostre ville de Paris, & le reste de
vostre Royaume vous la demandent, vous en supplient
humblement & instamment. Vous estes Roy de France,
né en France, & par consequent François, & non de
Nation Estrangere, comme Pharamond, Meroüée,
Clodion, & autres des premiers Rois qui ont donné
nom à cette Monarchie, & regné en icelle, & qui les deuez
aimer comme François, & comme parloient les Anciens
peuples à leurs Princes de leurs nation ; Vous estes
os de nos os, & chair de nostre chair, pour designer la
grande liaison & vraye sympathie qu’il y doit auoir du
Chef auec les membres ; du Prince auec ses Sujets, &

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ainsi vous deuez estre touché d’humanité, & faire luire
la douceur en vostre face, sur ceux que Dieu vous a
donné pour enfans, afin qu’ils vous recognoissent pour
Pere, & vous aiment, craignent & honorent comme
ces qualitez le requierent.

 

Ne vous abusez point, ô Roy Louys, de vous vouloir
descharger sur la Reine vostre Mere, pour deferer
à ses vouloirs comme bon & vray fils, & que vous deuez
hair ceux qu’elle hait, & aimer ceux qu’elle aime :
Est-elle pas Espagnolle & fille d’Espagnol ; nation qui a
vne auersion à toutes les nations de la terre, & particulierement
contre la Françoise, & y a pareille antipatie
entre ces deux peuples, qu’entre la brebis & le loup, qui
est immortelle, comme il se voit & connoist par les
peaux & boyaux de ces deux animaux, qui ne s’accordent
iamais si elles sont employées ensemble à vn tambour,
où à vn violon ou autre tel instrument, s’il y a
des cordes de tous les deux.

Anne d’Austriche est Espagnole, & partant ennemie
de cette nation, & de tous les bons & vrais François,
quoy qu’elle n’aye receu que tout bien & honneur de
cette nation, qui la receuë & proclamée Reiue de Frãce,
a espousé le fils du plus grand & magnanime Roy que
ce Royaume & les Espagnes ayent iamais veu & porté :
Et quant à son Espoux il estoit bon & craignant Dieu
autant ou plus que pas vn de ses Royaumes & Estats : Il
a esté contraint de faire la guerre pour establir la paix à
ses sujets. Il a esté debonnaire, & misericordieux durant
tout le cours de sa vie, & auoit ces dons particuliers
de Dieu qu’il n’estoit ny iureur, ny paillaird, ny
yurogne : Il estoit Religieux : toutes qualitez & parties
qui ne se trouuent pas en la plus grande part des
Princes ; aussi acquist il le titre de IVSTE. Car il deposa
de sa Regence & du gouuernement de l’Estat la
Reine sa Mere, connoissant qu’il y alloit de son authorité
& de la ruine de son peuple : Et ce à l’exemple du

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Roy Asa qui deposa Maacha sa mere afin qu’elle ne fust
plus Regente, d’autant qu’elle vsoit trop demesurement
de son authorité : Car l’ambition de la femme n’a
point de bornes & est du tout desreglée, tesmoin celle
de Semiramis, quoy que d’ailleurs ornée de grandes vertus.
Atalie Regente pour regner absolument, n’espargna
ny celuy qui deuoit seoir sur le Trosne, ny tous ses
freres, ny tous ceux là qu’elle peut attraper du Sang
Royal, ains les fist tous mourir : Ces exemples estrangers
ne sont pas seuls ; car telle a fait mourir son mary,
telle ses enfans pour esleuer en leur lieu ceux qu’elles
aimoient, & la France n’en a pas esté exempte, vne Fredegonde,
vne Brunehaut, & de fraische mcmoire Catherine
de Medicis, n’ont elles pas fait tuer l’vne son
mary pour se conseruer son Landry, l’autre faire entretuer
les Rois freres, & la derniere eust perdu tous ses enfans
pour faire regner sur ce Royaume des estrangers à
qui le Sceptre de cét Estat n’appartenoit n’y n’appartient
point : Et qui pour cét effet desola toutes les Prouinces
de ce Royaume, & mit par tout le foudre le feu
& le sang : & qui fut cause de la mort deplorable d’Henry
III. son fils le dernier des Valois. Et le temps present
produit de mesmes effects & de mesmes fruicts.

 

Ie vous enuoye mon Herault, escoutez le, si vous ne
le faites ô Roy des François, & que mal vous aduienne,
à qui vous en prendrez vous ? Il vous signifie l’Arrest ;
que ie luy ay commandé vous denoncer ; executez le,
sinon, qu’attendrez-vous que la rigueur d’iceluy ?

Vous n’estes ny plus excellent, ny plus puissant, que
tant d’autres qui vous ont precedé. Ie suis celuy de
par qui les Rois regnent, & qui reduits & leurs Sceptres
& Couronnes en poudre : & leurs personnes mesmes
quand bon me semble.

Quand à vous, ô Reine sçachez que les voyes que
vous auez tenuës depuis le deceds du feu Roy vostre mary
n’ont point esté doictes ny deuant Dieu, ny deuant

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les hommes, i’entends les gens de bien, vous auez pris
le frain aux dents, vous auez abandonné cette grande
deuotiõ & pieté, que vous auiez fait paroistre quelques
années, qui vous faisoient benir par vos peuples, vous
aimer, vous cherir ; & deplorer la rigueur que les simples
presumoient vous estre faite par le Cardinal de
Richelieu ; Mais ce grand Genie, & veritablement excellent
homme d’Estat, auoit bien conneu vos inclinations
& vostre naturel ; & Dieu celuy de l’hypocrisie à
son amour & à son seruice : & vous l’auez mis tellement
au iour que les Cieux & la Terre le crient tout haut ;
aussi les benedictions d’en haut & d’en bas se sont de
parties de vous. Au lieu des benedictions precedentes
que vos sujets vous souhaitoient, vous estes en mauuaise
odeur dans tout ce Royaume, pour les grandes souffrances
qu’il a souffert, que vous auez fomentées auec ce
detestable, cruel & infame estranger Sicilien, & quelques
desnaturez François : que si ie ne les nomme par
noms, surnoms & qualitez, ils sont conneus assez, &
quand ils seroient dans le ventre de la terre d’où ils sont
sortis, elle les reuomiroit afin de les faire voir à la face du
Ciel & du Soleil, à qu’ils fussent conneus, & pour
estre en execration & eux & leur posterité à iamais.
Voilà quel est le salaire des iniques. Vous aimez cet execrable,
dont la nation a fait perir vn million de François,
nais & à naistre, c’est à dire encor dans le ventre
de leur mere en leur pays : Car la cruauté & barbarie
de ces furies d’Enfer fust si desnaturée qu’ils firent mourir
les femmes Siciliennes enceintes du fait d’vn François.

 

C’est-il veu sous le Soleil rien de plus horrible. Comment
Dieu auroit-il, & ceste nation, & le Monstre d’icelle,
à gré ? Il est suiet du Roy d’Espagne, nation pour
laquelle ce massacre fust faict des François, & conceus
d’eux, Et vous voulez que Dieu le voye, & qu’il le sup[Illisible.]
ou lez que les François en facent leur Idole.

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Que Gaston de Bourbon aille fleschir le genoüil deuant
luy, le Fils d’HENRY le Grand, qui a si bien
rengé & Philippe II. & son successeur, qui vouloient
vsurper son bien, & ce que Dieu luy auoit reserué,
dont vous estes descenduë. Destournez vous de ces
pensées : Pensez plustost d’affermir la Couronne sur la
teste de celuy qui est sorty de vos flancs. Cherchez la
paix ; le vous la denonce ; Ie la veux, ie la peux faire,
dit celuy qui m’enuoye vers vous, ô Reine ; Ie la feray
bien sans vous ; mais ie veux bien que mon Esleu vostre
fils, & vous, sçachent, Que c’est de par moy que les
Rois regnent, & non autrement.

 

Et vous Conseillers és Conseils du Roy, qui vous
dites François, de bouche seulement : mais qui estes de
cœur, & par vos actions vrais & francs Italiens, Siciliens
& Espagnols, qui adoreriez le Diable pour vne
poignée de Pissoles ; qui vous sait aderer à tout ce que
veut la Reyne, qui n’a en elle, comme Espagnole,
qu’vn desir de regner, & vn esprit de vengeance contre
ceux qui cognoissans le mal s’y veulent opposer, par le
deuoir qu’ils doiuent à leur Roy & Souuerain Seigneur,
& qui le veulent tirer de l’esclauage où il est detenu, &
par ce traistre chef de vostre Conseil, & par vous desnaturez
François, qui luy prestez les mains par vos perfides
Conseils, & de vos moyens, sous l’esperance que vous
auez de pescher en eau Trouble, & de posseder en propre
les Tresors qui doiuent estre au Roy seulement, &
non à des sangsuës gloutonnes telles que vous estes ;
mais vous creuerez enfin, & repandrez le sang du pauure
peuple que vous auez si tyranniquement, cruellement
& auidement succé & aualé Vos cõseils, aussi, qui
ne vont qu’à l’entiere ruine du Roy & de Monsieur son
Frere, autant pernicieux que celuy que donna Achitophel
à Absalon le perfide contre Dauid son Roy, seront
renuersez, & de rage que vous aurez vous irez pendre,
& creuerez cõme Iudas, aussi Conseiller à mal faire,

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si vous ne vous repentez, & ne ramenez le Roy pour
s’asseoir sur son Trosne en la Ville d’iceluy, afin qu’il
regne sur son peuple en paix & en gloire. Qu’elle
gloire auez vous fait auoir au Roy de l’oster à ses sujets
& le mettre & laisser entre les mains Espagnolle
& Italienne ? De l’auoir mené en son tendre aage
çà & là desoler, auec ses armées, les meilleures Prouinces
de ses Estats, au hazard de sa personne & de sa vie,
& d’estre cause, pour les cruautez que commettoient
les gens de guerre, qui en auoient la licence ; mais aussi
le commandement, qu’on a esté contraint de fermer les
portes, & a fallu, presque, par tout s’en aller auec honte :
Ce qui ne fut point arriué si sa Majesté n’eust esté conduitte
par la Reyne sa Mere, & par vous, Messieurs de son
Conseil, abusans de son foible aage. Quel grand coup
d’Estat auez-vous enfanté ? Bourdeaux petite ville, par
sa vaillance, par la iustice de sa cause, & à vostre honte,
& de vos grands Capitaines, s’est conseruée sa liberté,
auec honneur & louange, & ont monstré en receuant
leur Roy en leur ville, qu’ils estoient meilleurs François
que vous, & ses vrais & legitimes seruiteurs & suiets.
Aussi n’ont-ils iamais pris les armes contre le Roy,
ains se sont voulus deffendre de la Tyrannie de leurs ennemis,
& du saccagement & pillage de leur Ville, personnes
& biens ; desquels, la plus part, de vous pensiez
faire curée.

 

Et vous aussi, grands Capitaines, non de Iules le
premier des Cesars, mais de Iules Mazarin, l’execration
du Ciel, & l’abomination de la Terre : & l’attente
de l’Enfer, où sont les Villes, les Prouinces, & les Royaumes
que vous auez ioincts à la France, & soubsmis
à l’obeissance du Roy ?

Veritablement vous estes grands Capitaines ; vous
estes entrez dans des villages abandonnez, que vous
auez pris à force d’armes, & auez petardé les portes ouuertes.
Auez couru & pillé les hameaux & villages du

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plat pais, qui ne se pouuoient attendre ny persuader
telles barbaries par des Chefs François, & qui n’ayans
forces de se mettre en deffenses ont souffert le bruslement
de leurs chaumettes, le violement de leurs femmes
& filles, l’enleuement de leur bestail & biens, &
le meurtre de leurs personnes.

 

O ! glorieux & genereux Chefs d’armées que d’Eloges
vous sont reseruez dans l’Histoire, des volumes entiers
les reciteront à vostre honte & infamie.

Le desir de remplir vos bourses, vous ont fait aller
baiser la botte de ce jadis Courrier, & vous faire de Seigneurs
& Nobles deuenir voleurs & brigands ; Poltrons,
quant au reste. Le Prince de Tarente, ieune Seigneur,
ne vous a-t’il pas fait sentir la pesenteur de son
bras, cognoistre sa generosité & sa sage conduitte dans
les armes, ô vieux Comte de Harcourt, jadis la terreur
du Piedmont, de l’Italie, & mesmes de l’Espagne : En
ce temps-là vous estiez veritablement & genereux &
vaillant Capitaine, & seruant bien vostre Prince ; Mais
à ces derniers mouuemens, vous vous estes rendu vn
pillard & vallet d’vn homme qui n’est pas à comparer
de son extraction ny de son esprit à plusieurs de vos domestiques.

Vous n’estes pas seul, d’Harcourt, d’auoir suiui vn,
party si injuste que celuy de Mazarin, & si dommageable
au Roy & à la France, d’Elbœuf s’y est rangé des
premiers pour attrapper argent afin de viure plus commodement
& contenter petit à petit ses creanciers. Ce
Mareschal à la douzaine qui surprit, cõbatit, & rompit,
les trouppes de celuy de Turenne à Rhetel veut estre de
la partie, & a receu le salaire de ses merites en la mort
de son fils à Angers. Sainct Maigrin au Faux : bourg S.
Anthoine : Mais il a eu cet aduantage d’estre mort par la
main d’vn tres-genereux Prince, que l’on peut dire,
auec verité, & sans hyperbole, estre le Sauueur de Paris,
& du peuple y habitant, qu’on auoit desseigné de mettre

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en cendre, & tuer jusques aux enfans qui allaittent.
Turenne ressent desià la main de la justice d’enhaut,
estant descheu des oppinions qu’on auoit conceuës de
luy, de grand Conseil & de vaillance ; creu à present à la
Cour mesme, qu’il n’est qu’vn lasche, & qu’il trahist
ceux qu’il sert. Son frere le Duc (sans Boüillon) a
perdu ses esperances de deuenir Bullion, en mourant, ce
qui luy eust faict grand bien & à ceux de sa maison pour
deuenir de pauures riches, pillant le Roy & son peuple
hardiment, & sans crainte de justice. Il est mort sans
hõneur & sans estre regretté : Celuy, dis je qui fut honoré
des peuples estrangers pour son grand esprit & addresse
és affaires d’Estat & de la guerre ; vaillant & genereux
de sa personne comme vn second Cesar.

 

Ie Heraut du Ciel, ne suis pas enuoyé seulement au
Roy, & à ceux qui le detiennent & possedent : Mais
aussi à vous GASTON de Bourbon, Prince de Condé,
& ceux de vostre party, Parlement & Ville de Paris,
Afin de vous disposer à bon escient a chercher le Roy,
à le retirer de ces mains marranes & estrangeres, là où
est esclaue, pour le faire seoir & reposer sur son lict de
Iustice, vous tenir aupres de sa personne, pour luy estre
Conseil fidele : vous y estes obligez, par le droict de
naissance pour l’honneur & seureté de vos personnes,
pour le bien de vos Maisons, pour le repos de tant de
peuples qui ont les yeux iettez sur vous comme sur
leurs liberateurs. Vous auez encor, ô ! grands Princes,
interests de conseruer cette Couronne, & d’empescher
qu’elle ne tombe en ruine, ny en la seruitude estrangere :
Que sçait-on ce que Dieu a disposé de vous & de
cet Estat. Henry de Nauarre, sous Henry II. Roy de
France, sous François II. Charles IX. & Henry III.
tous Rois, pouuoit il auoir quelque pensée durant ces
Regnes qu’il orneroit son Chef de la couronne Françoise
quelque iour, & en laisseroit ioüssante sa posterité :
Cependant cela est arriué au temps determiné du Gouuerneur

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des Cieux & de la Terre. Henry le Grand a soûtenu
plusieurs gerres durant sa vie, pour sa conseruation
seulement ; mais iamais contre le Roy, qui regnoit,
quoy qu’ils fussent suscitez souuent à tourmenter &
vouloir perdre ce bon Prince leur allié & du Sang. Iamais
Henry de Bourbon n’a desolé Prouince quoy qu’on luy
courust sus ; Il est venu secourir de ses armes & de sa personne
dés qu’il a veu & conneu qu’Henry III. en auoit
besoin, & lors qu’il estoit chassé de sa Ville de Paris &
par toute la detestable Ligue poursuiuy. O ! debonnaireté
de ce grand Heros qui rend le bien pour le mal ;
aussi a t’il esté guerdonné d’honneur, de gloire, de richesses,
d’amour de ses peuples, & d’vne heureuse posterité,
à qui il a laissé ce grand & florissant Royaume
apres son deceds.

 

Vostre Altesse a commencé vne grande oeuure pour
deliurer la France de la tyrannie Mazarine, & vous auez
esté secondé de ce genereux & vaillant Prince Louys de
Bourbon : Toute la France s’en est réjouye, & auoit esperé
quelque heureuse fin à leur maux. La longueur du
temps qui s’est escoulé, & la misere qu’on a soufferte &
qu’on souffre encore, qui faisoient conceuoir de vos Altesses
quelque chose de bon, a par vos retardemens,
changé les opinions & les volontez des peuples, & font
dire à la pluspart, que vos Altesses s’entendent fort bien
auec Mazarin & leurs autres ennemis, qu’elles eussent
bien osté le Roy d’entre les mains de ceux qui le detiennent
captif si elles eussent voulu, mais que les vns ny les
autres de vostre ligue, ne vous en estes point mis en peine.
Que tant d’assemblées au Parlement & Maison de
Ville n’ont fait qu’amuser & abuser le monde, Que
tout le Royaume en est ruïné, Que vos Altesses eussent
bien empesché le Cardinal Mazarin & son Armée de
ne iamais rentrer en France, si vous vous fussiez opposez
auec hardiesse & prudence à cela : Et que d’effet
il est entré, passé par plusieurs Prouinces, & au

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trauers de plusieurs bonnes villes, & de grands fleuues,
qui estoient capables de faire perir de plus grandes forces
que les siennes, & de leurs traistres Conducteurs, si
on eust voulu y donner ordre tel que Dieu, & vostre reputation
le requeroient : à quoy rien n’a paru de vostre
part. Au contraire que vos Soldats ont fait plus de desordre
en quelques mois, que n’ont fait les ennemis en
tout & par tout ; & que vos Altesses ont bien fait voir
que ce n’estoit que leur interest particulier qui leur ont
fait leuer les armes, & non pas pour deliurer le Roy &
l’asseoir sur son Trosne, & luy conseruer son Royaume,
& affranchir cette grande Ville, l’œil du monde, & chef
de cette Monarchie de sa ruïne ineuitable, dans laquelle
elle s’est iettée pour vous auoir trop legerement creu, &
esperé choses meilleures de vos Altesses.

 

Voila ce que la pluspart des François & Estrangers
ont murmuré, mesmes disent tout haut iusques dans
vos Hostels. D’autres vont plus auant, disans, que
vous aspirez à la Tyrannie. Et quoy que cela ne soit
vray semblable, la souffrance du peuple & notamment
de Paris, les a fort allienez de leur premier bon
vouloir & les a fait parler ainsi, & partant vous peut faire
iuger & croire qu’il n’y a plus d’asseurance pour vos
Altesses enuers eux, si promptement vous ne contribuez
au retour du Roy dans Paris, afin qu’estans de liurés
de la necessité où ils sont, ils puissent viure en paix.

Si vous voulez assoupir tous ces bruits, donnez ordre
que le peuple ne souffre plus, il en est las & tout recru :
Que vostre Gendarmerie ne pille & ne volle, qui font
des brigandages tels que le Turc n’en feroit de pire :
Paris est en bransle de faire son appointement auec la
Reine & auec Mazarin, soit aux despens de leurs vies,
ou de leurs biens. L’argent aura peut estre bien la vertu
d’appaiser la soif insatiable de ce gouffre infernal : que
s’il veut auoir la vie, ils la bailleront encor pour terminer
leurs souffrances.

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O ! grands Princes, il y va de vostre gloire d’estre liberateurs
du Roy qu’on vous a osté & enleué, vous qui
estes les vrays arcs-boutants & appuis de sa Couronne,
à qui il appartient de luy donner les aduis & conseils
necessaires pour le bien de sa Sacrée personne & de ses
Estats. Ostez le donc des mains tyranniques où il est : il
en est temps ; & desia le deuriez auoir fait. Il y va aussi de
vos vies : car c’est là où la tyrannie Mazarine aspire, affin
de se deffaire de ce qui leur peut faire teste & contrelutter
le dessein entrepris. Et ne pensez pas que vostre
rang, vostre sang, ny vos grandeurs les empeschasse d’executer
la rage qu’ils ont conceuë contre vos personnes.
En vous perdant il perdront les Princesses vos femmes,
les Princes vos enfans, & mettront à l’interdit tout ce
qui appartiendroit à vos Altesses : Qui vous seroit chose
plus dure que de perdre la vie.

Paris est vostre seure retraitte ; & n’auez lieu dans tout
le Royaume plus asseuré, tandis que le peuple sera pour
vous. Mais si mazarin y entre, il faut que vous en sortiez,
& ne vous fera pas la grace ny le passe-droit que
vos A. luy ont fait, de vous donner le loisir & la commodité
des passages.

Et quelle pourroit estre l’attente de tant de Princes,
Seigneurs de marque, & de Noblesse qui ont pris les
armes pour vous venger seulement, de l’iniure & du
mépris fait à vos Altesses & non pour leur interest ; car ils
pouuoient viure sans soucy en leurs maisons O ! grands
Princes vous y deuez auoir esgard, & mettre à couuert
ceux qui n’ont espargné leurs biens, leur sang, & leurs
vies pour vous seruir.

Quant à vous Prince de Condé & Duc de Beaufort ;
C’est à vous à qui les ennemis de cet Estat en veulent le
plus, ils veulent vos vies, & n’en eschapperez point si
vous n’y prenez garde de bien prés : vous sçauez comme
vous auez esté attrappez, & cõme vous auez esté traittez,
& combien il a fallu vser d’artifices, de supplications &

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en quel hazard de vostre vie, Duc de Beaufort vous auez
couru, pour vous tirer de la captiuité Mazarine. Que
pouuez-vous esperer à present que vous auez choqué
courageusement en gens de bien, & en vrais Princes du
Sang de Bourbon, la Tyrannie de ces barbares Estrangers,
& de ces Traistres François qui sont auec eux que
la mort, si vous ne les perdez premierement en leur
ostant la leur ? Ne perdez plus de temps, hastez-vous, il
n’y a plus à reuasser & a s’amuser ; On vous veut surprendre,
& vous prendre au despourueu dans leurs lacs.
Auisez-y.

 

Certainemẽt, si c’est vne chose estrange qu’il s’est trouué
dans la Compagnie des Anges & des Saincts, des
Diables & des Traistres ; l’Histoire Sacrée le tesmoigne,
& que Dieu cõme tenant ses assises, le Diable se trouua
les seruiteurs du Sainct des Saincts, non pour luy rendre
quelque seruice, mais pour perdre Iob. Iudas estoit du
nombre des Douze qui suiuoient l’Agneau de Dieu, &
neantmoins vendit, trahit, & liura l’innocent pour peu
d’argent, à la rage de ses ennemis. Il ne faut donc pas
s’estonner si dans vostre Auguste Compagnie il s’est
trouué des Satans, & des Iudas qui vous caloninioient
vers le Roy & vous liuroient à la rage de vos aduersaires.
Dieu vous a deliuré d’eux par leur retraitte honteuse,
dont vous luy en deuez rendre grace. Vous estes
Dieux, dit le Prophete, ne perdez point cette haute
qualité. N’abandonnez point le seruice que vous deuez,
selon le deub de vos charges, au Roy seruez luy de
Peres en sa jeunesse, afin qu’il soit le vostre, estant paruenu
en aage meur, & à vos enfans. Vous auez, excellent
Senat, de si bons & genereux Princes, tels que sont vn
Duc d’Orleans, vn Prince de Condé, & vn Duc de
Beaufort, lequel n’a onques taché sa fidelité enuers
vous & la Ville de Paris d’aucune perfidie ny lascheté
(ainsi qu’ont fait les Ducs d’Elbœuf, de Bouillon & autres
& plusieurs de vos Presidents & Conseillers) qui

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vous veulent maintenir & conseruer. Et comme ils sont
vostre bras droict armé, soyez leur aussi par vos prudences
bon conseil. Le Conseil de Cusay destruisit celuy des
ennemis de leur Roy, & les fit trebuchet par le fil de
l’espée à l’armée conduitte par le Connestable Ioab, &
le Roy fust restably en son Trosne. Le Trosne des Rois
n’est maintenu que par IVSTICE & BON CONSEIL.
Et estans ces bons Seigneurs & vous bien vnis de volontez,
vos ennemis cherront à vos pieds, & jouïrez tous
ensemble de Paix, d’honneurs, de biens & de gloire.

 

Et quant à toy, Ville de Paris & reste du Royaume de
France, n’estes vous pas ceux à qui l’Estranger en veut.
Vous vous estes precipitez vous mesmes dans le gouffre
de vostre perdition Ville de Paris, vous voilà estonnez,
& ne sçauez comment vous sortirez d’iceluy. Vous estes
vn Monstre plus que brutal : vn corps sans teste, c’est à
dire, sans esprit, sans yeux, sans jugement & sans conduitte :
& cependant vous ne faites que mesdire, que
detracter, que murmurer & vous mutiner contre ceux
qui ne vous ont pas fait faire vos premiers saillies & folies.
Quels des Princes, Quels du Parlement s’est auancé
pour vous conseiller, pour vous seruir de Chef & conducteur
à ces belles Barricades. Vous n’en sçauriez nommer
aucun : Or direz vous, la faute est faicte : qu’y faire ?
Ce n’est pas chercher conseil, de dire, qu’y faire ? Ce
n’est pas sortir de vos apprehensions, ce n’est pas vous
de liurer de la main de ceux qui ont juré vostre ruine & le
sac de vostre Ville, ny de la mort qui vous est presenté.
Vous auez moins d’esprit & de sens que le loup, dont
parle Esope dans l’vn de ses Apologues, qui par hazard
estant tombé dans vn puits, & oyant beeler vne cheure
l’appella à son secours, qui au lieu de luy tendre quelque
chose pour le retirer de là, luy demandoit comment
il y estoit tombé. Tire moy d’icy, dit le loup, & puis
ie te le diray, car ie me noye. Vous desireriez que les
Princes armassent, puissamment, allassent prendre le

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Roy d’entre les mains de vos ennemis & vous l’amenassent.
Mais où est l’argent que vous auez offert pour faire
leuée de gendarmerie & venir aux fins de vos de sirs
& de vostre salut. Messieurs les Princes ne sont pas si pecunieux
de pouuoir leuer des armes, ils ont eu des affaires
assez pour eux mesmes : Et quant ils vous ont fait entendre
qu’ils vouloient bien vous secourir, mais qu’il
falloit aussi que vous contribuassiez aux frais qu’il conuenoit
pour ce faire, vous auez saigné du nez ; mais mesmes
refusé tout à plat. D’ailleurs la plus-part de vous
n’estes vous pas diuisez les vns contre les autres, & ne
vous sçauriez trouuer trois, ensemble qui ne soient de
differents aduis & desirs : & iusques là que vous estes si
imprudents de parler mal de ceux dont vous voudriez
auoir secours iusques dans leurs Hostels & tout hautement,
ainsi qu’il se fait tous les iours dans les Hostels
d’Orleans, de Condé & ailleurs ; Quoy que ce bon Duc
d’Orleans soit si debonnaire de permettre à chacun de
vous de vous venir egayer dans les parterres & allées qui
sont en sa maison ; ce que ne vous permettroient pas vn
President ou Conseiller chez soy, ny mesmes les simples
Bourgeois qui ont des lieux de recreation : Et cependant
vous osez detracter de ces tant Nobles Princes.

 

Ce sage Prince ; le Duc d’Orleans, homme meur &
de grand sens & raisonnement à long temps hezité à
prendre aucun party, quoy qu’il en ait esté grandement
importuné de toutes parts. Son bon naturel ne luy pouuoit
permettre prendre celuy qui estoit à la ruine du
Roy & bouleuersement de ses Estats, Il ne pouuoit se resoudre
à prendre le party de ceux qu’il sembloit n’auoir
que leurs interests pourt but : moins celuy d’vn peuple
estourdy, brutal & changeant, du naturel de la Lune,
qui n’est iamais gueres long temps en mesme estat, &
nottamment celuy de Paris, qui est composé des diuerses
Prouinces de ce Royaume : mais aussi de toutes les
Nations de l’Europe, & d’autres plus esloignées qui

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n’ont nulle inclination à la conseruation d’icelle, sinon
entant que leur interest particulier les y retient.

 

N’auoit il pas bonne raison, ce grand Duc de ne se
vouloir mesler de chose quelconque dans vn siecle vn
temps, & vn Estat si corrompu & depraué ? Il preiugeoit
ce qui est arriué, & qu’on voit auiourd’huy.

Le Prince de Condé est-il venu en cette Ville
de Paris, pource qu’il auoit besoin d’elle ? N’estoit-il
pas dans son Gouuernement, & dans vne ville de
gens aguerris & belliqueux plus que vous, qui n’auoit
qu’à y viure en repos, sans se mettre au hazard de sa vie
pour vous venir chercher ? Le Prince son frere y subsiste
bien ; il y eust pû subsister aussi bien que luy, & partant
autre chose ne l’a conduit icy que pour tascher de vous
deliurer de l’oppression où vous estiez, & n’estes pas
encor dehors par vostre faute. Des-jà par plusieurs rencontres,
entr’autres à Montargis : & cette notable du
Faux-bourg & porte S. Anthoine ne vous a-t’il pas fait
voir que la GLOIRE seule, & vostre bien particulier, &
vostre salut l’a amene icy. N’a t’il pas exposé sa vie pour
vous ? Saint Maigrin le vouloit il espargner, ny ceux de
sa suitte luy tuant deux cheuaux sous luy. Et si Dieu ne
l’eust gardé où en estiez vous tous ? Vos testes n’estoient
elles pas dixmées ? vos femmes & vos filles données à
l’abandon du brutal soldat ; vos Palais & maisons magnifiques
auec vos tresors & despoüilles, & vos Sacrées
Eglises & Autels auec les Sainctes Reliques deuoüées au
pillage des mains prophanes & au feu deuorant. Paris
ne seroit-elle pas à present sans le grand courage de ce
valleureux Prince en mesme estat que s’est veuë iadis la
ville de Lion, qui n’auoit lors en Gaule sa pareille, en
vn monceau de cendres, & que ceux qui l’auoient veuë
le iour precedent ne pouuoient iuger que ce fust le lieu
où elle auoit esté située sinon par ses cendres.

Et puis que Dieu vous a fait ce grand bien par son
moyen, est ce la reconnoissance que la plus part de vous

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luy faites de le maudire luy & les siens. Et si le Duc
d’Orleans eust quitté Paris dés le commencement, encor
qu’il ne fust allé auec la Reine, & si le Prince de
Condé ne fust venu à point pour se trouuer au susdit cõbat,
de vray Paris ne seroit plus, mais vn rien. Paris c’est
à toy à preuenir le mal, & destourner le coup qui va
tomber sur ta teste. Aimes tu mieux que ton argent,
tes maisons, tes meubles, toy & tes familles perissiez
& tombent dans les mains estrangeres ; ainsi qu’il
est arriué à plusieurs places qui se voulans conseruer leur
or & leur argent, & ne s’en voulans seruir pour la defenses
de leurs Citez, d’eux & de leurs concitoyens, sont
peris & perdus auec ce qu’ils cherissoient tant ? D’ailleurs,
vnissez vous mieux que vous n’estes ! Car la desvnion,
aussi bien que la lascheté, & l’auarice sordide ont
perdu plusieurs grandes Villes : Cessez de mesdire de vos
liberateurs ! Priez le Tout-puissant pour eux & pour
vous, & il vous deliurera lors que vous y penserez le
moins. Ne vous fiez aux Estrangers ; car ils parlent à
vous frauduleusement.

 

Et lors que vous aurez vostre Roy faictes luy paroistre
que vous estes autant ses francs & fideles sujets, comme
vos ennemis luy ont persuadé faussement & malicieusement
que vous ne l’estiez pas. Et le principal de tes
affaires est de t’amender, & vser de charité enuers les
pauures, que le Redempteur du genre humain appelle
ses membres : Aussi Charité couure multitude de pechez.

Quant à vous, reste de la France : Vous estes obligez
de pouruoir que le mal n’aille plus auant : Car quand
la teste est malade tout le corps s’en sent. Et lors que la
teste est ostée du corps, il cesse dés le mesme instant d’auoir
vie. Ne vous trompez point, si tous les membres
d’vn corps ne contribuent vnanimement, & volontairement
à la manutention l’vn de l’autre, tous perissent
ensemble : Ce qu’à sçeu fort bien representer jadis vn

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grand philosophe en l’apologue des membres de l’homme
& du ventre : Et les pieds, les mains, les yeux & autres,
n’ayans voulu contribuer pour ce ventre, le disans
paresseux, & qui seul auoit le plaisir & le profit de la peine
qu’ils auoient tous ensemble, pour luy fournir ce qu’il
aualoit : Ce pauure ventre, & vuide, ne faisant plus ses
fonctions, allengourist tous les autres membres, si qu’en
fin ils perirent tous. Ainsi, aussi si dans les Estats chaque
corps ne contribuë à la manutention d’iceux, ils perissent.
L’Eglise doibt ses prieres à celuy qui gouuerne
tout, & vn peu d’argent pour l’entretenement des justes
armées. Les princes, la Noblesse, & la Iustice, leur Authorité,
leurs espées, & rendre iustice à qui elle est deuë,
& authoriser ce qui de droict est à authoriser. Et le tiers
Estat fournir aux choses qui sont necessaires, pour auoir
moyen de repousser la coniuration, & les coniurateurs
de leurs aduersaires : & ainsi bien vnis ensemble il ne
faudra rien craindre ; mais plustost esperer toutes choses
bonnes & agreables.

 

L’Empire Romain le plus grand de tous ceux qui
ayent jamais esté, n’est venu à son declin, ny à sa ruine
totale que par les diuisions, & par l’auarice qui l’ont souuent
trauaillé.

L’Empire François, quoy qu’il ne soit de si grand
estenduë qu’ont esté plusieurs autres, sçauoir celuy des
Assiriens, des Perses & des Grecs, ou d’Alexandre, ne
verra iamais sa ruine que par la diuision. Ce qui estant
fort bien cogneu par les Estrangers enuieux de la Noblesse
& valeur de cette Nation, ont tousiours commencé
à fin de les vaincre, à les diuiser & des-vnir. Ie finis
icy le commendement qui ma esté faict de celuy qui
m’a enuoyé vers vous tous, par l’exhortation de demeurer
vnis tous ensemble, & vous verrez vos ennemis & de
cet Estat tomber à vos pieds. Adieu.

FIN.

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Anonyme [1652], LE TROMPETTE OV HERAVT DV CIEL, Denonçant au Roy, à la Reyne, & à leur Conseil. Aux Duc d’Orleans, Prince de Condé & autres. Ville de Paris & reste du Royaume, la Paix que Dieu leur veut donner, & qu’il leur presente. Où la destruction, s’ils la refusent de sa main liberale. , françaisRéférence RIM : M0_3895. Cote locale : B_16_38.