Anonyme [1652], LE SYNDIC DV PEVPLE FRANÇOIS, ESLEV PAR MESSIEVRS LES BOVRGEOIS DE PARIS AV ROY. Luy representant les Intrigués, Fourberies, Carracteres & Magies, que le Cardinal Mazarin s’est seruy pour troubler l’Estat de tout son Royaume; Et comme il est indigne d’estre Ministre d’Estat, ny Cardinal. Auec vne representation de l’Estat François sous les Fauoris, à accomparer, tant du commancement du Reigne de Louys 13. que Dieu absolue, que du Reigne d’apresent. , françaisRéférence RIM : M0_3742. Cote locale : B_11_36.
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Representation de l’Estat François sous
les Fauoris, à commencer, tant du
commancement du Reigne de Louïs
XIII. que Dieu absolue, que du
Reigne d’apresent.

LES Poëtes, lors qu’ils ont voulu feindre l’Estat
des personnes priuées & des Republiques,
se sont imaginez des desguisemens, qu’ils
ont accommodé à la nature des choses qu’ils
vouloiẽt dépeindre, & les ont appellez Metamorphoses,
qui signifie changement. Ce n’est donc
pas sans raison que ie me sers à present de ce mot,
en la description que ie me prepare de vous faire
des changemens que les Fauoris ont causé dans le
Royaume de France, soit en l’Estat entier, soit en
la personne des Roys & des peuples, où vous pourez
voir qu’on n’a iamais eu plus de suiet de se formaliser
des deportemens des Fauoris qui ont regne
de nostre temps, que des mauuaises actions
du Mazarin, qui nous a causé tant de maux, que
nous en ressentons de iour en iour des accidens
funestes & mal-heureux.

Le premier Fauory que ie desire vous remettre
deuant les yeux est Monsieur de Rosny qui regnoit
du temps de Henry le Grand, qui auoit fait
vn tel changement dans l’esprit du Roy, que ce
grand Prince, qui ne se fioit à personne qu’à son

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propre iugement, ne se comportoit toute fois en
l’administration des Finances, que selon les impressions
qu’il luy en donnoit, de sorte que si Rosny
ne vouloit pas vne chose, il falloit croire aussi
que le Roy ny voudroit iamais consentir, & que
mesme il destruisoit ce que sa Majesté auoit desia
commandé. Mais quoy ? qui se pourra plaindre
d’vn Fauory si bon menager, qui en remplissant
les coffres de son maistre, y trouuoit neantmoins
son compte, sans neantmoins faire tort ny à l’Estat
ny au Prince qu’il auoit enrichy d’vne picque
d’or en quarré lors qu’vn mal-heureux traistre luy
vint porter le coup de la mort, dont le Sang rejallit
encore auiourd’huy sur nous.

 

Le Roy deffunct d’heureuse memoire Prince
bon & trop facile à faire des Fauoris, en a beaucoup
esleué dans le Ministere, mais le plus apparent
est le Cardinal de Richelieu, hõme à la verité
d’vn grand esprit & d’vn genie admirable, lequel
changea tout à coup la face de l’Estat dés lors qu’il
fut arriué dans la charge de premier Ministre, car
comme le Roy se reposoit de tout sur les soins qu’il
prenoit du Royaume, & qu’il le laissoit agir comme
il luy plaisoit, il mit bien-tost les affaires à vn
tel point qu’il se rendit maistre de tous les sujets
du Roy, mit des imposts sur les peuples qui n’auoient
iamais esté pratiquez, ne monstrant pas
moins la pointe de son esprit aux choses mauuaises,
qu’en celles qui estoient vtiles & profitables.
Car pour le moins s’il s’emparoit du Gouuernement
de toute la France, & si il la faisoit trembler
deuant luy, il ne donnoit pas moins d’espouuente
aux Estrangers, qui le craignoient & le respectoient

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tout ensemble. De sorte que l’on peut dire
qu’il se trouue vn contrepoids dans ses actions,
qui fait douter s’il a esté plus dommageable que
profitable au Royaume. Que s’il a trouué des imposts
& des subsides que personne n’auoit imaginé
deuant luy, & si parce moyen il a fait esclorre vn
nõbre infiny de Partisans, qui cõme vne pepiniere
ont pullulé dans tout le Royaume, au moins nous
a-t’il faits riches des despoüilles des pays Estrangers,
& a si bien fait toutefois que les arts mechaniques
& Liberaux n’ont iamais eu tant de vogue,
dans tous les Siecles passez, qu’ils en ont rencontré
de son temps. Car alors chacun estoit employé,
des Villes toutes entieres ont esté basties,
Paris en a esté accreu de beaucoup, & y est arriué
dans vne telle grandeur, qu’on doute s’il y a maintenant
vne Ville plus peuplée & plus grande au
monde. Ioint qu’encore qu’il ait fait beaucoup
d’exactions sur les peuples, il leur a neantmoins
tousiours monstré de l’amour, & pour tout dire, il
est mort dans vne telle faueur, qu’il a esté regretté
du Roy, & a laissé dans l’esprit de tout le monde.
vn ressentiment de sa perte, apres que l’on a reconnu
ce qu’il profitoit à la France.

 

Mais, ô Metamorphose odieuse, & deplorable
à nos iours, quel changement auons nous experimenté
depuis ce tẽps là dãs tout le Royaume,
La mort du Royest suruenë quelque temps apres,
& plutost de beaucoup qu’il n’estoit besoin pour
nostre bien & pour nostre conseruation ; Vn ieune
Roy nous est demeuré sur les bras, gouuerné par
vne mere dont la trop grande facilité a fait qu’elle
s’est seruie pour le soulagement de son esprit de sa

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personne, d’vn fauory le plus indigne, & le plus
ouatrageux qu’on ait iamais veu regner, & pour
tout dire, d’vn estranger qui n’a point d’affection
ny pour le Prince, ny pour ses suiets, & qui ne tend
qu’a ses interrest particuliers, s’est naturalisé de
telle sorte parmy nous, qu’on iugeroit à voir tous
ses procedez, que nous ne sommes nez que pour
l’aggrandir de nos pertes. Ce sont là d’estranges
metamorphoses ; les gros poissons mangent les
petits à la verité, mais celuy-cy fait tout eigal, &
n’espargne ny grand ny petit Les peuples sont sa
pasture ordinaire, il les a mangez & rongez iusqu’aux
os, & apres ne leur auoir laissé que la
peau, & qu’il n’y petit plus trouuer d’appetit, il
se iette sur de plus friands morceaux, qui sont nos
Princes & les Parlemens, & reduisant tout dans
vne semblable fortune, il a si bien fait qu’il leur a
desrobé le Roy, vsant de ce stratageme peruers
& malicieux afin de les rendre aueugles, & de faire
qu’ils ne sçachent à quoy se resoudre, estant esloignez
du Soleil qui leur deuroit tousiours esclairer,
mais qui s’estant eclypsé, ne leur donne plus
ses rayons qu’à trauers d’vn nuage espais, & qui ne
leur veut pas permettre de le regarder. Ah ! voleur,
le plus infigne volleur qui ait iamais esté sur la terre,
rends nous ce Louys, pour le moins si tu ne
nous veux pas rendre les autres que tu nous as emportez,
celuy là seul nous suffira que trop pour
nous contenter, & encore nous semblera-t’il que
nous te serons beaucoup obligez. O ! France, est-il
possible que [1 mot ill.] t’eforces point pour r’auoir
vn gage si precieux, tu vois qu’à cette occasion
plusieurs bons suiets sont tous les iours m’assacrez,

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il y en a vne infinité de millions qui sont empirez
en leurs biens, en leurs corps, & en leur fortune,
& toutes ces metamorphoses, tu les souffres
auec vne patience admirable pour le respect
de ton Roy, que tu ne voudrois pas mesme offenser,
en faisant quelque chose que tu sçaurois qui
luy deust desplaire, quand mesme ce seroit pour
ta propre conseruation. Mais que dis-je, en agissant
contre le Mazarin, ne faisons nous pas pour
l’Estat, & pour toute la Maison Royalle. Apres
auoir eu l’asseurance de retirer de ses mains les
Princes qu’il auoit iettez dans vne prison, apres
auoir empesché que le Parlement ne soit tombé
sous sa tyrannie, ne nous sera il pas permis de prendre
la vangeance du Prince, & de celuy qui luy
peut immediatement succeder, & de plus pour
assister vne mere, qui ne reconnoissant pas le danger
où elle se met, & se laissant trop facilement
persuader par de certaines pestes d’Estat qui sont
corrõpus par le detestable Ministre, n’a la pas force
de preuoir ce qui en peut arriuer. Il faut que ie
confesse qu’en parlant de toutes ces metamorphoses,
moy mesme ie suis methamorphosé en rocher
comme le fut autrefois Battus par le Dieu Mercure,
& que ie ne puis parler, ayant le cœur plus
serré & plus dur qu’vne roche, c’est pourquoy ie
vous laisse le reste à considerer, priant le Ciel que
la premiere metamorphose qui se doit faire dans
le Royaume de France soit de la guerre en vne
paix asseurée, & qui puisse demeurer parmy nous
vne eternité.

 

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