Anonyme [1652 [?]], LE STRATAGESME OV LE POVR ET CONTRE DV DEPART DE MAZARIN. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_3720. Cote locale : B_12_59.
Section précédent(e)

LE
STRATAGESME
OV LE
POVR ET CONTRE
DV DEPART DE
MAZARIN.

EN VERS BVRLESQVES.

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LE STRATAGESME OV LE
pour & Contre du depart de Mazarin.

En vers Burlesques.

 


ENFIN il a ployé bagage
Ce tant renommé personnage,
Soit fourbe ou sincerité,
Il est au loin de sa Majesté.
Quoy, Mazarin a fait retraite ?
O l’heur ! ô la belle defaite.
ça qu’on donne sur le iambon,
François enfin beuuez du bon,
Chantez, dancez, faites ripaille,
Et quités aussi tost la Paille,
Puis que ce Cagou, si raillé
N’est plus dessus nostre paillé,
Qu’il s’en va loin d’icy grand’erre :
Dieu le conduise & le tonnerre
Ce bon homme de Mazarin,
Il [illisible]ra pas sans tabourin :
Mais il faut aussi que iadiouste,

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Quoy que pour rimer il me couste,
Dieu le conduise s’il s’en va
Tousiours les talons vers deça.
Il s’en va, Dieux quelle surprise !
Il part lors que la nape est mise.
FRANCE l’eusses tu iamais cru
Que ce Vilain, ce Malotru,
Qui te causoit tant de desordre
En te donnant fil à retordre,
S’en fust allé si-tost si loin,
De nous bloquer perdant le soin,
Luy qui crovoit les sçauoir toutes,
Qui tousiours estoit aux escoutes ;
Et monté sur sa grand iumen
Nous trauailloit incessament.
Quoy qu’il en soit, la place est vuide,
Il vient de nous lascher la bride
Et nous la mise sur le col
Afin de prendre mieux son vol
Il s’en va Guillebert l’emmene,
I’entens son amy de Turenne,
Que s’il auoit mieux reussi,
Ne l’escorteroit pas ainsi.
Mais sans regarder en arriere
Croyõs qu’on nous fait grace entiere,
Et quel qu’ait esté son credit
Puis qu’il s’en va, tout en est dit.

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Ainsi puis qu’il change de place
Le monde va changer de face,
Le bon vieux temps va reuenir,
La nature va rajeunir,
La France ses beaux atours prendre,
Tous les Maltotiers se vont pendre,
Les pauures vont manger du pain,
Les riches marchands faire gain,
Le laboureur reprendre halaine,
Le bœuf paroistre dans la plaine,
La geline sur le fumier,
Et le malheureux tauernier
Qui se plaignoit à ses voisines
Ne vendoit pas tant de chopines
A la longue & mesme à credit
Que de brocs il fera debit.
Pour vous qui deueniez gens d’armes
Parisiens posez les armes,
Nous ne vous verrons plus parés
De vos beaux hausse-cols dorrés,
Marcher fierrement à la teste
D’vne cohorte au combat preste
Et n’entendrons plus ce signal
Hors de la garde Corporal.
Crieurs de la Samatitaine
Adieu vostre voix si hautaine,
Vous ne crirez plus aux badins
La defaite des Mazarins,

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L’illustre & fameuse iournée
La grande bataille donnée,
Prise du bagage & canons
Auec les blessés & leurs noms.
Dieux ! que cette race est fertille,
Que l’on en a tué de mille :
S’il en faut croire ce recit,
Mais bien qu’on ait chante l’obit
Des valets ainsi que du maistre,
On les a veus soudain renaistre
Et faire d’vn cour age ardant
Les Geofrois à la grande dent,
Pareils à ces marionetes,
Vn peu Diablesses & noirettes
Qu’on assomme & qu’on tuë en vain
Et qu’on voit en vn tourne main
Au combat reuenir entieres,
Puis emporter leurs meurtrieres.
Vous aussi fameux escriuains
Sçachez qu’il faut donner les mains
Et faire tréue auec la Muse,
Puis que ce grand preneur d’excuse
Ce redoutable Machefer
Cette engeance de Lucifer,
Ce vieux Grimaut le pere au Diable
Qui n’estoit nullement ployable,
Ce Dragon que vous connoissiez,
Cette peste ou tant vous pensiez,

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Mazarin ce nouueau Cerbere,
A changé son premier repaire,
Et va plus heureux que Brusquet,
A Boüillon planter le picquet.
Venerables filles de ioye,
Bien tost on vous va faire voye
Afin qu’alliez chez la Durier
Planter vostre noble fessier,
Et trotiez en bel equipage
Dans le carosse de loüage.
Pour vous Filoux n’esperez plus
De nous tenir icy reclus
En prenant les couleurs d’Espagne,
Pour picorer à la campagne
Auec ce passe-par tout
Vostre brigandage est à bout,
Nos coches rouleront sans crainte,
Et nous n’entendions plus la plainte
Des naurez ausquels vn party
Maints coups d’espée a desparty :
Nous oserons sortir la porte
Sans passeport & sans escorte
Et n’oyrons plus ces tabourins
Qui nous causent tant de chagrins.
Mais Muse, vn peu de quietude,
Monstrons vn fruice de nostre estude
Et nous retirons à l’escart
Pour resuer dessus ce [1 mot ill.]

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Qu’en iuge tu ma chere Cure ?
Te semble-til de bon augure ?
Mais i’entens que tu me reparts,
Qu’on ne sçait ce que couue Mars,
Que cette vaine hanicroche
Cache quelque anguille sous roche,
Et qu’vn renard au mois des fleurs
Peut changer de poil, non de mœurs.
Pour moy plus i’y pense & t’escoute
Ie ressemble Genot, ie doute,
Et te dy sur le mesme ton
Que ie n’en attens rien de bon.
Quoy, nostre éternel aduersaire
Se pouroit resoudre à bien faire ?
Et pour nous sauuer d’vn danger
Prendroit le soin de déloger ?
Il deuient doux & pitoyable ?
Non, non, le Diable est toûjours Diable,
Et ie sçay quel que ce soit ce fard
Qu’en cette peau mourra Renard :
Mais voyons en quel equipage
Est party ce grand Personnage,
Non en haste & pasle d’effroy
Non regardant derriere soy,
Non de nuit & à la sourdine,
Mais de iour sur sa bonne mine,
Apres auoir fait ses Adieux,
A la Cour qui chioit des yeux,

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Et qui donnoit mille loüanges
A ses vertus qui sont estranges,
Puis qu’y voulant penser en bien
Le plus sçauant n’y connoist rien.
Quoy donc, ce n’est pas à la fuitte
Que son Eminence est reduitte ?
C’est à nous qu’il pense le moins ?
Ha François mordõs nous les poings,
D’auoir tant ozé sans rien faire ?
Il nous braue ce temeraire,
Il s’en va comme triomphant,
Tout splendide & tout piaffant
Parmy la pompe & la bonbance,
Au milieu des grands de la France,
Et s’en va faisant monts & vaux
Monté dessus ses grans cheuaux.
Il s’en va comme de la nopce
Fier & cretté comme vn arosse,
Godin & gay comme Perrot,
Et plus menassant qu’Astarot :
Il nous monstre encor la verge,
Il se pauane, il se goberge,
Il fait le braue plus que trois,
Et dit qu’il nous fera des poids
Comme nous luy fismes des febves,
Et que s’il a bien fait des vefues
A son retour ses Gobelins
Feront encor plus d’orphelins,

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Bref, si l’on croit à ses paroles
Il ne nous promet poires molles,
Et ie voy sans en disputer
Qu’il recule pour mieux sauter.
Quoy nous ayant baille la feé,
Il en fait encore throphée :
Il a tout fait sinon beau-temps
Puis nargue pour les mescontens.
Certes de nous le Ciel se iouë,
Ie pense qu’il nous fait la mouë,
Et que quelque excommuniment
Nous cause ce deréglement.
Quoy, ventre, apres tant de rauages,
Apres tant de sanglants orages,
Et tant de troubles excitez
Dans nos miserables citez,
Apres auoir tant fait le Diable,
Le cruel & l’impitoyable,
L’insolent, pour nous aueugler,
Fera mine de s’en aller,
Puis reuiendra faisant le graue.
O ! France indignement esclaue,
Pauures peuples gobelinés,
Las on vous fait vn pied de nez,
Mourez de douleur & de honte,
Pour rien du tout on ne vous conte,
Et bien que n’ayez pas le sout
Vous porterez le faix de tout :

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CAR afin que chacun l’entende,
Les seuls batus payeront l’amende.
Le voyez vous qui par vos champs,
Se sauue auec ses bons marchands,
Et passe orgueilleux par vos terres
Où sa rage excita cent guerres :
Mais à le voir ainsi vainqueur
Mille traits vous perce le cœur.
Ainsi le sort qui nous foudroye ;
De nos mains rauit nostre proye,
Et fait que ce fier ennemy
Nous rend plus petits qu’vn fourmy.
D’où luy vient tant d’heur, tant d’adresse ?
A nous cette insigne foiblesse
Auec ce defaut de vertu
Ressemblons nous coigne festu
Qui du cœur se rompant les veines,
Ne fait rien auec tant de peines.
Que n’auons nous fait & tenté ?
N’auons nous pas iuré, pesté ?
Ioüé du bec, d’ongle & de griffe
Contre ce maudit escogriffe ?
N’auions nous pas fait son tarif !
Iuré de l’escorcher tout vif ?
Et s’il ne perissoit en guerre
De le mettre plus bas qu’à terre ?
Mais pour cela qu’auons nous fait,
Que bien du bruit & peu d’effet ?

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Qu’en a-til perdu qui luy couste ?
Ce n’estoit vrayement qu vne iouste,
Et ie croy qu’on nous berne tous.
Grand Parlement, ie parle à vous,
N’auiez vous pas proscrit sa teste,
Qui n’estoit pas viande preste ?
Donné contre luy maint Arrest ?
Et dit que l’argent estoit prest
Pour le loyer de l’homicide ?
Vous nous auiez lasché la bride,
Et bien qu’en est il arriué :
Ma foy, le Renard s’est sauué,
Vos chiẽs n’ont chassé rien qui vaille,
Bien qu’ils soient d’assez belle taille,
Et ie crains qu’estant si puissant
Il n’en mange enfin plus d’vn cent.
Mais s’il fait mal pour nous en Frãce
Felicitons son Eminence,
Et pour brauer l’ire du sort
Sauuons nous tous au cap de Nort ;
En ce bon pais de Cocagne
Où l’on ne voit à la campagne
Aucunes troupes en amas
Ni coureurs faisants des degats :
Ou Mazarin qui nous accable
N’est non plus connu que le Diable,
Où l’heur & le repos des ans
N’est troublé par les Partizans

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Où pour soy le manant trauaille,
Où le bœuf n’est pris pour la taille.
Où l’on ne voit point de ces gens
Qui sont faits comme des Sergens,
Où l’on ne sent point ces gratelles
De Daces, Imposts & Gabelles,
Enfin où chacun vit pour soy,
Est son Parlement & son Roy,
O du vieux temps, bonté chenuë,
Helas questes vous deuenuë
Laissant ces siecles peruertis
Dans le vice presque engloutis :
Quand vous estiés encor au monde
On portoit en paix sa rotonde
Et pour en enrichir vn seul
Le cercueil dans vn froid linceul
N’en faisoit pourrir deux cens mille
Pour enrichir vn inutille,
Vn lasche, vn infame, vn faquin,
Et pour tout dire vn Mazarin.
Mais on me dit chut, paix, silence,
C’est le Roy qui prend sa seance
Et par droit comme par raison
Chacun est maistre en sa maison,
Il dit, i’ordonne & commande
Ie veux que le Cardinal bande,
Mais il repete en mesme temps,
I’ordonne, ie veus & i’entens

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Que toute la France lhonore,
Et ie veux qu’elle sçache encore
Qu’il ne m’est auiourd huy rauy
Que pour m’auoir trop bien seruy,
Qu’il eust toûjours pour m’estre vtille
Vn œil aux champs, l’autre à la ville,
Qu’il bailla comme il faut du bec,
Employa le vert & le sec,
Et porta dessus ses espaules
Le faix des affaires des Gaulles,
Qu’il a des talens delicats,
Et des vertus qu’on ne scait pas,
Que c’est des prudens le modelle,
Qu’apres luy faut tirer l’eschelle,
Qu’il est caut, preuoyant & fin,
Que c’est mon bien amé cousin :
Et que loin d’estre ingrat ou traistre,
Son pareil est encor à naistre,
Apres cela, que diroit-on ?
Puis le Roy dit cela d’vn ton
Qui ne souffre point de replique.
Pourtant quelque bon Catholique
Sous vn froc modeste mussé
Luy respondroit, [1 mot ill.] pace.
Sire, Mazarin est vn homme
Tel qu’il en croist beaucoup à Rome,
Et qui sans mentir n’est pas tel
Qu’on vous a dépeint ce mortel

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De nulle vertu que ie sçache,
Il n’a fruition, ny tache ;
Et i’ignore aussi les bien faits
Qu’aux pauures François il a faits :
Si ce n’est qu’a sa conscience
Il fait que tout le monde pense,
Et que chacun dans ce tourment
Croit estre au bout du iugement.
D’ailleurs, de trauail il exempte
Maint manœuure qui ne s’en vante,
Et fait que tous les Artisans
Tranchent icy des Courtisans,
Se promenent leuans la teste
Aux iours d’œuures comme à la feste,
Et vont plus de dix fois le iour
Au Luxembourg faire leur cour.
D’autre part par sa modestie
Mainte luxure est amortie.
Le luxe mesme est presque éteint,
Bacchus n’a plus son rouge teint,
Et bannit de sa Confrerie
La bonne Dame Yurognerie :
Ainsi que des dances de nuit
On ne prend plus le sot déduit.
Bref, iamais Prescheur pour la gerbe
N’a si bien détruit la superbe,
Et fait plus de vrais penitents
Qu’icy l’on en voit en tout temps :

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De plus, il est aussi la cause
Des beaux escrits que l’on compose,
Et met par son authorité
Maintes Nonnes en liberté,
Qui, croyans que leurs vœux s’annullent,
La Paix par leurs desirs recullent.
De mesme il fait que maints Tubeuf
A Paris est plein comme vn œuf,
Donne aux Partisans dequoy frire,
Aux ieunes Abbez dequoy rire,
Aux vieux Drilles dequoy pinter ;
Et pendant tout pour subsister
Il fait en nous baillant la baye
Du cuir d’autruy large courraye,
Faisant des biens de son voisin
Comme des choux de son iardin.
Il met vos peuples en chemise,
Rauit aux petits la franchise ;
Et les rend plats comme harang :
Or qui perd son bien perd son sang.
Sire, donc qui perd l’vn & l’autre
Deuient plus chetif qu’vn Apostre.
C’est l’estat, Sire, où nous reduit
Ce bon Apostre qui vous suit,
Et dont vostre Mere est coiffée
Plus qu’oncques ne le fut d’Orphée.
Aucune femme que ie croy ;
Mais, grand Prince, pardonnez moy

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Ce grand mot que ie viens de dire,
Le Marchand qui perd ne peut rire :
Et nous croyons tous que sans eux
Paris seroit moins mal-heureux.
Mais pour vous acheuer mon compte,
De nous il fait fort peu de compte,
Et croit que nous sommes tous faits
Pour estre ses petits valets ;
Que grace il nous feroit entiere
De luy noüer la jaretiere,
Au lieu qu’on dit qu’il vaut si peu
Qu’on le rebuteroit au jeu.
Pourtant il a beaucoup d’adresse,
Il fait mille tours de souplesse ;
Il discourt à bastons rompus,
Il sçait mille petits Rebus,
Cent contes de ma mere l’oye
Pour vous entretenir en ioye,
Vous amadouë, & fait des mieux
A vostre maman les doux yeux,
Dit qu’il confondra le rebelle
Pour vostre hõneur pour l’amour d’elle,
Qu’il tranchera ces reuoltez
Menu comme chaire à pastez,
Et qu’à son retour, sa milice
Leur donnera de l’exercice :
Bref, si l’on en croit ce Caphard
Nous auons tous mangé le lard ;

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Et ses Drilles n’ont fait sottise
Qui merite d’estre reprise,
Bien qu’on sçache qu’en cét endroit
Le pauure gibet perd son droit
Perdant Mazarin, qu’on luy vole,
Parce qu’il fiche bien la cole,
Qu’il inuente & ment à propos,
Et fait le chien pour auoir l’os.
Sire, c’est vn grand personnage,
Il entend bien le bastellage,
Et s’excrime des mieux du croc,
Prend ab hic, ab hac, & ab hoc,
Brochet, il mange tanche & carpe,
Il ioüe à rauir de la harpe,
Il est parent du Roy Dauid,
Il est moins vaillant que le Cid,
Moins sage & moins prudent qu Vlisse,
Donner du sien n’est pas son vice,
Des gens lettrés il ne fait cas,
Les adroits ne luy plaisent pas,
Des auanturiers il s’acoste,
Les transfuges sont à sa poste,
Les empoisonneurs sont ses gens,
Les mercenaires ses agents,
Les Boutefeux ses satellites,
Il n’est du rang des Hyppolites,
De Ioseph il n’a fait les vœux,
Et de l’amour craignant les feux.

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Il n’auroit quitté sa mandille
De peur de baiser femme ou fille.
Pour ce qui touche son estat,
Il n’est pas vrayment Apostat :
Mais ie gagerois bien ma vie
Qu’il est animal Amphivie
Et qu’il n’a iamais comme Armand,
Fait aux Curez de Reglement.
Au reste, pour la Politique,
Ma foy ce n’est pas sa pratique
Il s’y connoit comme aux couleurs
Font les Aueugles demandeurs,
Ou comme vne truye en espices
Passe aussi pour ces artifices,
I’aurois honte icy d’en parler,
Il s’en scait fort mal demesler,
Et n’est propre qu’à faire vn moine
Dedans le petit saint Anthoine.
C’est-là ce qu’en cet entretien
Auroit pu dire vn bon Chrestien.
Mais parlons de ce qui nous meine ?
Mais bon Dieu, dequoy suis-je en peine,
Si le Ciel tombe, en ce hazard,
Qu’en porteray-je que ma part,
Et d’ailleurs, que pourois je faire
Quand ie serois bien en colere,
Scachant que de plus fins que moy,
N’ont rien fait dans leur grand employ,

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Et se trouuent au blé remoudre,
Sans sçauoir quelle piece coudre
Au trou que leur fait le Magot :
Aussi ie scay que de l’escot
Bien se passe qui rien n’en paye,
Et ie voy qu’en ce lieu l’yuraye
Est si fort meslée au bon blé
Qu’on en a l’esprit tout troublé.
Donc sans former de vaine attente,
Disons enfin, vienne qui plante,
Qui bien fait bien le trouuera,
Apres le hasle il pleuuera,
Si le Roy veut venir qu’il vienne,
S’il ne veut venir, qu’il se tienne,
Si Iules fait bien c’est pour luy,
Et s’il fait mal c’est pour autruy.
C’est ainsi que dans ce partage
Le drosle a tousiours l’auantage ;
Que le plus iuste soit vainqueur,
Puis, contre fortune bon cœur.
Si nos princes font des merueilles
Nous les nommerons sans pareilles,
Et s’ils ne tentent rien de plus
Nous suiurons ce fascheux le reflus,
Souspirans de voir leur armée
Inutillement consommée,
Et pleins de rage & de chagrin
Crierons tous viue Mazarin,

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Viue Mazarin, Dieux que dis je ?
Puis je conceuoir ce prodige !
Que plustost mais il plaist au Roy,
Et nos grands Chefs, comme ie voy,
Pour exterminer le rebelle
N’ont tousiours batu que d’vne aisle.
Et montrent que nostre douleur
Et nostre feu n’est pas le leur ;
Que Mazarin leur est vtille,
Ha ! le zele excitte ma bile.
Et me deust leur foudre estouffer,
Le front commence à m’eschauffer.
Ha Gien, que dans ta prouince
N’estois-je en la place d’vn Prince ?
Quand ayant batu d’Hoquincourt
Il s’en reuint soudain en Court,
Au sein de Paris la grand ville,
Lors qu’il estoit vrayment facile
De mettre Turenne en estat
De perir au fort du combat,
Et d’enuoyer ce temeraire
Aux lieux ou gist son aisné frere :
Certes à l’entour de Paris
On n’eust veu tant de corps meurtris
Et l’insolent n’eust eu laudace
De venir bloquer cette place,
Bien qu’auec le Duc d’Orleans
Le Grand de Condé fut leans,

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Maintenant la Mazarinaille
Ne passeroit que pour Canaille,
Et ne viendroit par ses agents
Insulter aux honestes gens ;
Le Cardinal pai sa sortie
N’auroit introduit l’amnistie,
Et feint de s’esloigner du Roy
Afin de nous donner la loy :
Il n’auroit plus vois en chapitre,
Et ne porteroit plus le titre
De Ministre & de Directeur.
Etant nostre persecuteur ?
Coadjuteur que tes intrigues
Nous causẽt de maux partes brigues ?
Et que pour toy de trespassez
Sont dans le monument placés.
Le Duc d’Orleans par tes feintes
A receu d’estranges atteintes,
Et Condé n’osant le quitter
Hors d’icy n’a rien pu tenter.
Toy seul as reduit son armée
Et nostre esperance en fumée ;
Et toy seul fais que Mazarin
Est maistre de nostre destin.
Grand Senat, que n’est tu plus ferme,
Nos maux eussent trouué leur terme ?
Dans la fin de quarante & neuf ?
Failloit-il trouuer vn d’Elbœuf

-- 23 --


Pour chef de ta forte milice ;
Longueuille plein d’artifice
Te plaisoit il dans sa langueur ?
Luy qui sans force & sans vigueur
Ne fist que berner la Neustrie ?
L’interest de nostre Patrie
Ne peut il estre le motif
Qui touche tes sens iusqu’au-vif ?
Tu Fronde quand on te menasse,
Et tu changes soudain de fasce
Quand on te met hors d’interest
Et que tout va comme il te plaist
Falloit-il aller chercher noise
En mettant Paris dans Pontoise,
Et que la par toy fut cassé
Tout ce que tu fis l’an passé.
Princes que dans vostre entreprise
Ne monstriez vous plus de franchise,
La Noblesse aux esprits ardens
Eust pris le mor auec les dents,
Et donnant d’estoc & de pointe
A vos escadrons se fust iointe ;
Au lieu que pleine de douleur
Elle a rengaigné son ardeur,
Scachant que vous n’auiez enuie
De guerir nostre maladie,
Et que ne tendant qu’à nos fins
Vous n’estes nos vrais Medecins,

-- 24 --


C’est ce qui fait auec adresse
Chacun se tire de la presse
En attendant qu’vn autre eschec
Mette les mazarins à sec,
Que n’auez vous en cette guerre
Mis dix mille traitans par terre,
Et destruit ces Interessez
Que n’auez oncques menassés,
Bien que cette ardeur témoignée
Vous eust donnée ville gaignée,
Plustost qu’en deux ou trois endroits
Tascher de restablir les droits
Et tirer par taxe & saisie
Quelque argent de la Bourgeoisie.
Ainsi le peuple en vn monceau
Eust donné tout dans le panneau,
Et vous auriez eu pour tout prendre
Des communautez à reuendre.
Mais quoy, chacun a son aduis,
Et les meilleurs ne sont suiuis.
Ha Reine ! quel zele vous touche ?
N’aurons nous iamais à la bouche
Que le seul nom de Mazarin ?
Vous reglez vous sur le destin ?
De l’insolente Fredegonde,
Cette autre infame Rosimonde
Qui fit auec son Landry
Ce detestable Fauory,

-- 25 --


Des coups si noirs que la memoire
Les voit auec honte en l’histoire,
Et qui nonobstant ses forfaits
Eût le don de mourir en paix,
Et de laisser son fils Clotaire
Heritier de son failly pere ?
Non, non, en ces funestes jeux
Le crime n’est tousiours heureux,
Puisque Brunehaut sa riuale
N’est pas vne fortune egalle.
Ha grande Reyne à cette fois
De vos peuples oyez la vois,
Et si vous estes leur Princesse,
Faittes que leur misere cesse,
Et que Mazarin leur tyran
Ne vous soit plus qu’indifferent,
Esloignez cét impitoyable
Monstre vrayement insatiable
Et le chassez de vostre Cour,
Sans aucun espoir de retour,
En ce faisant aussi madame,
Daignez l’esloigner de vostre ame,
Car s’il regnoit dans vostre cœur,
Vostre fils paroistroit mocqueur,
Et nous prendroit lors qu’il l’esloigne
Pour de vrais niais de soloigne,
Puis que ce ne seroit qu’vn ieu
Parce qu’il reuiendroit dans peu,

-- 26 --


Et que son malheureux genie,
Vous tiendroit tousiours compagnie.
Mazarin cruel ennemy
Monstre que l’enfer a vomy,
Ne cesseras tu, quoy qu’on die
De tramer quelque perfidie ?
Iusqu’à tant qu’a pres cent combats
La France soit du tout à bas
Et qu’il ne reste en cette terre
Maison haute, ny pierre sur pierre,
Parce que tousiours ton party
Est de maints traistres assorty
Ton objet dans le dueil nous plonge
Tu parts, on croit que c’est vn songe,
Fusses tu loin, on te croit pres,
On dit que tu fais tes apprests
Pour reuenir à main armée :
La France en est toute alarmée,
Et n’aura paix que le Tombeau
Ne couure ta chienne de peau ?
Pauure France que de gabarres,
Helas chez toy l’on ioüe à barres,
Ton plus parfait amy te nuit,
Qui feint de t’ayder, te destruit,
Mazarin est tousiours l’Idole
A qui ton Roy mesme t’immole,
D’où vient qu’icy les plus puissants
Luy daignent offrir de l’encens ;

-- 27 --


Que ferons nous dans cette peine ?
Tendrons nous les bras à la chaine,
Qui s’apreste à nous resaisir ?
Nous auans encor à choisir,
De la mort ou de ce supplice :
Ha ! grand Roy, faites nous iustice,
Mazarin est vn criminel,
Digne d’vn suplice éternel,
Luy seul fait que dans vostre Empire
Nul sujet en paix ne respire,
Et que la cruauté du fer
De la France a fait vn enfer.
Faites que sur ce beau riuage
Nous ne voyons plus son visage
Dont l’obiect nous est si fatal :
Grand Prince, en perdant ce Brutal,
(Car ainsi la France le nomme,)
Ie dis en perdant ce seul homme,
Vous gaignerez cent mil cœurs
Pourueus de bien plus belles mœurs,
Et ferez vn heureux eschange
De ce vieux Diable auec vn Ange,
Qui sera quelque homme de bien
Qui des lois estant le soustien
Par sa prudence sans seconde
Vous rendra le plus grand du mõde,
Et sera mentir ce magot
Qui portant le nom de mangot

-- 28 --


Tient vostre grande destinée
Au seul Mazarin enchainée.
Sire, c’est ce fameux Deuin
Qui glosant sur vostre destin,
Iure qu’auez vn’Horoscope
La plus heureuse de l’Europe :
Il dit que serez Empereur,
Si son calcul est sans erreur :
Mais que Mazarin estant pape
En nous brauant rira sous cappe,
Et que n’obstiendrés aucun bien
Que par son art & son moyen.
Grand Roy, sauuez nous d’esclauage
Et nous procurez l’auantage
De voir vostre beau frond à nu ;
Et lors nostre zele ingenu
Vous scaura si bien reconnoistre
Pour Chef, pour Seigneur & pour Maistre.
Que vous prendrés plaisir à voir
Les preuues de nostre deuoir.

 

FIN.

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Anonyme [1652 [?]], LE STRATAGESME OV LE POVR ET CONTRE DV DEPART DE MAZARIN. EN VERS BVRLESQVES. , françaisRéférence RIM : M0_3720. Cote locale : B_12_59.