Anonyme [1650], LE SOVFLET DE LA FORTVNE, Donné au Prince de Condé. , françaisRéférence RIM : M0_3698. Cote locale : A_9_39.
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LE
SOVFFLET
DE LA
FORTVNE,
Donné au Prince de Condé.

 


HA ! Prince de Condé, vous estes vn Factieux,
Vous vouliez Furibond presque escheller les
Cieux,
C’est pourquoy vous auez vn reuers de Fortune,
Tout autant qu’estiez haut vous voila abaissé,
Vous estes sans secours, ny esperance aucune,
Aussi vous vous voyez de chacun delaissé.

 

 


Vous auez laissé Dieu, estant pis qu’vn Athée,
Et vous auez vescu d’vne vie hebetée,
Viuant en In-Chrestien, bien plus mal que les Iuifs,
Souffrant des cruautez, & les faisant commettre,
Que de faire escorcher, & de brusler tous vifs
Des pauures Innocens, des Vieillards, & des Prestres,

 

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Venant à y penser mon iugement s’esgare,
Voir qu’vn Prince François ait esté si Barbare
Que de faire des maux indignes à reciter :
Combien de filles a-t’on violées, massacrées ?
Combien luy & ses gens ont ils osé porter
Leurs sacrileges mains sur les choses sacrées.

 

 


Ha ! combien de lieux saincts, & d’Eglises soüillées,
Dans icelles on voyoit les filles violées
Par le commandement de ce voluptueux,
Qui faisoient de grands maux de minutes en minutes,
Les Turcs auroient esté bien plus respectueux,
Et n’auroient iamais fait ce que faisoient ces brutes.

 

 


Vous braues Orateurs dont la langue faconde
L’auez tant autrefois vanté par tout le monde,
Et aux plus grands Heros vous l’auez comparé,
Ne l’estimant pas moins qu’Hercules & Alexandre :
Que de palmes & lauriers luy a-t’on preparé,
Mais il faut à present bien le faire descendre.

 

 


Qu’il songe à Bazajet, Richard & Ptolomée,
Dont autrefois est dit grande la renommée,
De combien de malheurs ne furent talonnez,
Et plus que Balthazar il a fait d’insolences :
Car les vases sacrez il a tant prophanez,
Et fait faire par tout de grandes violences.

 

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Ha ! Prince malheureux, plain d’vn esprit inique,
Vous vous estes monstré cruel & tyrannique,
Car vous auez bien fait pis que ce Roy Payen,
D’auoir tant enduré d’execrables malices,
D’autant que l’on a veu par vostre seul moyen
Soüiller par tant de fois nos precieux Calices.

 

 


Qui auroit iamais cru qu’vn Prince Catholique
Eusse esté le Chef d’vne Armée si inique,
Qui ont en plusieurs lieux tant de maux effectuez,
Tuant & violant tant de Religieuses,
Et en diuers endroits les Temples polus,
Enfin faisant par tous des choses odieuses.

 

 


Vous pensiez bien Condé ruiner nostre ville,
Mais on voit à present vostre enuie inutile,
Et le dessein qu’auiez meschamment conspiré,
Vous pensiez tout gaigner par vne haute lute :
Songez à Abiron, Dathan & à Choré,
Qui pour trop s’esleuer firent vne grande cheute.

 

 


Mais vous faut à ce coup retourner la medaille,
Vous voyez comme Dieu en peu de temps trauaille
Et qu’il sçait du meschant le dessein renuerser :
Vous voila bien trompé l’affaire est esuentée,
C’est pourquoy il vous faut de beaucoup rabaisser,
Vous voulez faire vn vol de trop haute portée.

 

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On luy a tant donné de palmes & de victoires,
On a de ses beaux faits emply tous nos histoires,
Mesmes ils estoient grauez sur platines d’airain,
Quand on commence bien faut que l’on perseuere,
D’orgueil & vanité il est venu si plain,
Que chacun le nommoit vn Tyran & Seuere.

 

 


Il voit bien à present son esperance vaine,
Puis qu’il est enfermé au Chasteau de Vincenne ;
C’est qu’il auoit eu par trop d’ambition :
Condé il ne faut pas que iamais tu pretende
De venir au dessus de ta pretention,
Car ton audace estoit trop hardie & trop grande.

 

FIN.

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