Anonyme [1649], LE SECOND AMBASSADEVR DES ESTATS DV LANGVEDOC, ET DV PARLEMENT DE THOLOZE. ENVOYÉ PAR LE MARESCHAL DE SCHOMBERT. A la Reine Regente Mere du Roy. , françaisRéférence RIM : M0_3602. Cote locale : A_2_11.
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LE SECOND
AMBASSADEVR
DES
ESTATS
DV
LANGVEDOC,
ET DV
PARLEMENT
DE
THOLOZE.

ENVOYÉ PAR LE MARESCHAL
DE SCHOMBERT.

A la Reine Regente Mere du Roy.

A PARIS,
Chez CLAVDE MORLOT, ruë de la Bucherie, aux
vieilles Estuues.

M. DC. XLIX.

AVEC PERMISSION.

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Le second Ambassadeur des Estats du Languedoc,
& du Parlement de Tholoze.

Enuoyé par le Mareschal de Schombert.

A la Reine Regente Mere du Roy.

MADAME,

Tous les soings & toute la diligence
que i’ay apporté en cette presente occasion, à dessein
d’attirer vos subjets à du Languedoc vostre
seruice ont esté inutiles. Ie leur ay remonstré que
vostre Majesté les deliureroit de toutes les impositions
& charges qui ont esté inuentées depuis le
commencement des guerres, & qu’aprés que ce
Royaume seroit en paix & en tranquilité, qu’ils ne
payeront point que le tiers des tailles qui leurs seroient
imposées durant cinq années consecutiues,
il n’y a point de villes ny de villages en cette Prouince,
à qui ie n’aye escrit aux Consuls pour
ce, sujet, qui d’vn commun accord m’ont respondre
(qu’ils estoient tres-fidelles sujects du
Roy & de vostre Majesté) mais qu’il leur est impossible
de prendre les armes contre les tuteurs

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du Roy, parce que l’honneur de la Couronne, la
gloire de la France, & le bien public ne le leur permet
pas, & moins encore le bon-heur & l interest
particulier de cette Prouince, qui seroit selon leur
opinion dans la majorité du Roy accablées de
charges imposts, & subsides, en punition du crime
qu’ils auroient commis pendant la minorité de sa
Majesté à qui ils desirent tousiours estre fidelles,
ils protestent que ce n’est pas manque de cœur ny
de valeur qu’ils refusent de porter les armes en
cette conioncture, le peuple de cette Prouince a
fait voir deuant le fort de Leucate, qu’il n’a pas
manque de generosité ; En effet, lors que le Comte
Cerbelon General de l’armée du Roy d’Espagne,
eut planté le siege deuant cette place, deuant laquelle
il fit dresser & bastir durant vn mois entier,
tant de forts & de bastions, que ses soldats estoiẽt
tous cachez dessous la terre, les Cõmunes de cette
Prouince estant conuoquées par mon mandement
exprés, & aussi la Noblesse de l’authorité du
Roy, témoignoient vnanimẽt qu’ils n’auoient pas
moins de courage pour attaquer l’ennemy, que du
zele pour l’honneur de la France, l’ambition qu’ils
auoient de combattre estoit si grande, qu’ils auroient
forcés ma volonté à leur complaire, si elle
n’eust pas esté conforme à leur dessein ; & bien que

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ce feust la nuict, que par le conseil de guerre, il falut
attaquer nos ennemis : Ie suis tesmoin oculaire
de leur vaillance ; Car à la premiere descharge ces
braues Languedociens à la mercy des feux & des
flammes, qui sortoient de la bouche des canons &
des mousquets, l’espée à la main entrerent dans les
fossez des Espagnols, dont en moins de six heures
ils firent vne defaite de plus des deux tiers de l’armée
ennemie, ainsi par leur courage aussi bien que
par ma valeur & ma conduite, Laucate fut deliuré
du siege ; & bien que cela eust esté aux propres
frais & despens des Habitans du Languedoc, sa
Majesté pour les gratifier ne leur à point fait aucune
diminution ou relaxatiõ des charges & imposts[1 lettre ill.]
Ce qui les a obligé à conceuoir de la haine contre
moy, en telle sorte qu’ils n’adioustent point de soy
à mes paroles, & ne veulent point condescendre,
ny se porter à mes desseins, que i’ay conçeu pour
suiure le bon plaisir de vostre Maiesté, quand i’ay
veu que leur opiniastreté, ne se diminuoit point
pour mes pridres : Ie me suis addressé à l’Auguste
Parlement de Tholoze, afin de pouuoir par leur
authorité & leur menaces, forcer ces Habitans de
mon gouuernement suiure les ordres de vostre volonté,
& de s’armer pour vostre seruice, apres que
les Presidens & Conseillers se furent assemblez

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plusieurs fois auec les Capitoux de cette ville, ils
me firent sçauoit qu’ils ne pouuoient point obliger
vostre peuple qui est de leurs ressorts à prendre les
armes contre l’Auguste Parlement de Paris ; Pour
ces raisons.

 

RAISON 1.

Vn peuple ne peut point estre contraint par Iustice
de prendre les armes dans vne guerre iniuste,
& que l’enleuement du Roy qui s’est fait à heure
induë tesmoigne assez l’iniustice de vostre cause,
que par consequent le peuple de cette Prouince
ne doit pas combatre en faueur de l’autheur de cét
enleuement tel qu’on soupçonne estre le Mazarin.

RAISON 2.

L’Auguste Parlement de Paris ayant declaré
criminel de leze Majesté vostre Ministre d’Estat,
leur fait voir qu’auec juste sujet ils demandent
le Roy, les armes en main, puis que ils ne peuuent
pas receuoir par vne plus douce voye, & en
qualité de tuteur, ils ont droict de vous le demander,
bien que vous soyez sa tres-chere mere.

RAISON 3.

Le Parlement de Thoulouze est trop zelé pour le
bien public de la France, pour induire ses subjets
à batailler contre les pilliers qui la soustiennent,
tels que sont les Presidents, Conseillers, Preuost

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des Marchands, & Escheuins de vostre bõne ville
de Paris.

 

RAISON. 4.

Ces Messieurs leurs ont protesté par lettres dattée
du 10. Ianuier, qu’ils n’auront iamais la pensée
de s’opposer à vos iustes desirs, ny moins de prendre
les armes contre vostre Majesté, pour quelque
pretexte que ce soit, mais contre le Mazarin,
qui vous a circonuenuë par ses charmes & ses finesses,
pour faire vne victime de la France à sa
malice.

Il n’y a rien dans le monde, grande Reine, qui
m’empesche de faire vostre volonté que mon impuissance
qui n’est que trop grande en cette presente
occasion, si bien que ie supplie vostre Majesté
de me vouloir pardonner, & de m’honorer
tousiours de vostre amitié, cét Ambassadeur vous
tesmoignera le regret & le desplaisir que i’ay de
ne pouuoir point obeyr à vos commandemens, &
ce qui augmente ma douleur, est que le peuple de
ces quartiers refuse aux Consuls des lieux de leur
payer les tailles accoustumées, ils alleguent & disent
pour leurs raisons, que les deniers qui seroient
leuez n’entreroient point dans les coffres du Roy,
mais que le Mazarin les enuoyeroit en Italie pour
faire bastir vn autre Palais, ou bien en Espagne
pour empescher la paix generale, iamais Lieutenant

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vnique de son Altesse Royale ne fut si empesché
que moy ; Ie ne sçay plus de quelles inuentions
me seruir pour empescher le sousleuement de ce
peuple ; Ie ne puis vser de menaces sans perdre en
mesme temps la vie, & les remonstrances que ie
leur faits, ne seruent qu’à allumer dauantage lire
& la haine qu’ils ont conçeu pour vostre Ministre
d’Estat, & esteindre le plus d’affection qu’ils ont
encore pour ma personne, l’vnique moyen & remede
pour le pacifier, despend du congé que l’on
espere que vostre Majesté, pour le plus grand bien
de la France, & pour le repos de son peuple, doit
donner à Mazarin.

 

FIN.

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