Anonyme [1649], LE PACIFIQVE OV L’ENTRETIEN D’ARISTE AVEC LVCILE, SVR L’ESTAT DES AFFAIRES presentes. Eccles. 4. Il y aura vn conseil de Paix entre l’vn & l’autre party. , français, latinRéférence RIM : M0_2641. Cote locale : A_7_1.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 10 --

ne voudroit point auoir d’autres maistres que les sens qui sont
trompeurs ? S’il voit quelque chose, ce n’est que de prés, & des
objets fort grossiers & fort materiels. Ses iugemens sont incertains,
& tousiours accompagnez d’erreur. Souuent il court
apres le mesme mal qu’il tasche d’euiter, & reconnoist pour ses
amis, ceux qui luy tendent des pieges. Pour se flater, il se figure,
qu’il n’y a point de difference ny d’interuale entre la cheute
de quelqu’vn & son extréme fortune. Il bastit des desseins sur
cette fausse opinion, & puis ennuyé dans l’attente d’vne nouueauté
pire que l’estat present ; il remuë toute chose pour se
procurer sa propre perte auec celle du public. Et c’est où nous
en serions, si de plus habiles que luy, si ces Dieux visibles de la
Iustice (ie parle de ceux qui sont demeurez fermes, aux portes
desquels il faudroit planter des palmes, comme l’on faisoit
autrefois, à la gloire de leurs semblables) & si la grande prudẽce
& la genereuse resolution de ces Chefs magnanimes, qui nous
ont seruy de boucliers, n’auoient pris soin de nos affaires, & la
conduite de nos armes. Le peuple, cher Lucile, n’entendit iamais
la voix du Sage, qui nous asseure, que la paix dépend de
Dieu, qui n’en donne point le desir, à ceux qui font la guerre
aux hommes, que lors qu’ils prennent des voyes qui luy sont
agreables.

 

La Sagesse Diuine qui habite dans la hauteur de ses propres
Conseils, & de qui les pensées sont la plus sublime science,
toute puissante & toute admirable qu’elle est, peut-elle contenter
les desirs differens de tous les hommes ? Sa Iustice & sa
misericorde, sont les deux bras, dont il embrasse le monde, ou
bien les deux bassins de sa iuste balance ; toutes ses mesures
sons iustes : tous ses iugemens sont equitables ; il fait reluire par
tout, sa parfaite conduite, & neantmoins, qui sont les hommes
qui n’y trouuent point à redire, qui sont les nations qui n’en
murmurent ?

Nous sçauons bien que les Diademes qu’on met sur la teste
des Roys, sont les marques de leur Prudence, de leur Force, &
de leur Iustice ; & que cette gloire pompeuse qui les enuironne,
leur impose la necessité & l’obligation qu’ils ont de bien
regir leurs Peuples : que Platon les nommoit raisonnablement
d’illustres Pilotes, pour le gouuernement de leurs Estars, qui



page précédent(e)

page suivant(e)