Anonyme [1649], LE PACIFIQVE OV L’ENTRETIEN D’ARISTE AVEC LVCILE, SVR L’ESTAT DES AFFAIRES presentes. Eccles. 4. Il y aura vn conseil de Paix entre l’vn & l’autre party. , français, latinRéférence RIM : M0_2641. Cote locale : A_7_1.
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plus qu’vne voix, qui est celle de la douleur. Tu m’as dit
qu’ils soustiennent, qu’il n’y peut auoir de salut où les Loix
sont violées : que rien ne se conuertit plus facilement en haine
ou en fureur, que les suiets du desespoir. Qu’il faut punir
les coupables, & non pas les innocens. Que la Sagesse, qui est
la Princesse des autres Vertus, est trop peu reconneuë des
grands, qui possederoiẽt tout sans enuie, s’il ne leur manquoit
tousiours quelqu’vn pour leur dire la verité. Que n’y ayant
point de plus fort lien pour obliger à garder la foy, que le serment,
on ne laisse pas de le rompre, pour ioindre la ruse à la
force, & pour chercher la conseruation de quelques coupables,
dans la perte de tous. Qu’il y a suiet de craindre, que la
soumission & la souffrance du passé, ne donne ouuerture aux
miseres de l’auenir. Qu’il ne faut point souffrir de monstres ny
de harpies dans les Estats, si l’on veut qu’ils soient fleurissans.
Que la tyrannie trop frequente des Fauoris, nous est vn ioug
insupportable. Qu[1 lettre ill.] si d’vn costé, la trop grande seuerité du
gouuernement, affoiblit l’amour des suiets : de l’autre, il est
aisé de voir, qu’vne facilité trop excessiue des supremes puissances,
enuers ceux qui ne les approchent, que pour abuser
de leurs faueurs à la ruine publique, diminuë tousiours honteusement,
l’authorité legitime. Que quiconque méprise sa
propre reputation, méprise facilement les Vertus.

 

Tu me disois, qu’ils aioustent encore à toutes ces choses,
qu’il est dangereux de dépoüiller le Lion de sa peau, & que
les ieunes Renards, quelques malins & rusez qu’ils soient, ne
connoissent pas tousiours bien la beste, auec laquelle ils se
joüent. Que les Communautez des Villes & des Royaumes,
ressemblent à des monceaux de grains ou de pierres, dont on
ne peut faire tomber les vnes sans les autres. Qu’en ostant aux
suiets tout le bien qu’ils possedent, on leur oste l’ame & le
sang. Que le Iardinier est incapable de son art, lequel en cueillant
les fleurs & les fruicts, arrache aussi la racine : & que celuy-là
veut rendre inutile l’oiseau auquel il coupe les aisles auec
les os. Qu’il paroit bien que l’éclat de tant d’or qui possede
nos damnables sangsuës, & tous les mauuais riches de la
Cour, qui tirent tout le suc de nos Finances, leur trouble



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