Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.
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odieuse) mais à ceux qui par vn bon vent poussez dans le port, estalent
en public des perles qu’ils disent auoir peschees en l’isle d’Ormus, &
bien souuent ils les ont prises de ceux qui sont encore à la rade. Ce sont
ces ballons enflez que ie veux picquer, pour voir s’ils me rendront autre
chose que du vent, voyons les donc au descouuert.

 

Si ie ne me trompe i’en remarque trois genres, qui contiennent en
eux plusieurs especes, ie les diuise en Courtisans, en Politiques,
& en Partisans & Financiers. Les premiers, comme ils disent en l’art
militaire s’aduancent par les armes. Les seconds, par leur bonne police,
s’esleuent iusques au gouuernement, & les derniers, comme les plus
sages, bastissent leur fortune par leurs mains.

Si ie voulois maintenant finir ce discours, ma conclusion se feroit en
cet a gument, que s’il n’y a point de discipline militaire, ny de police
parmy nous, les deux premiers n’ont pas besoin de beaucoup de ceruelle
pour paruenir à leur grandeur : & quant aux troisiesmes, ie croiray
qu’ils en ont si l’on m’accorde que la glus en a aussi ; Car que font-ils
autre chose que de prendre ce qui se iette dans leurs viscuositez ? (&
Dieu nous garde de ces sangsuës qui succent plustost le bon que le mauuais
sang) Mais non, ie veux m’estendre d’auantage, & deuant que
de prononcer l’Arrest ie veux vous faire lire leurs defenses.

Faisons donc venir sur ce Theatre vn des Suffragans de la premiere
bande, qui auec vne grosse perruque frisee, cordelée, saupoudrée, les
sourcils pincetez, les iouës plastrees & vermeillonnées, la moustache
redressée, la teste branlante, la gorge ouuerte, la bouche pleine de blasphemes,
& tout le corps en vn mouuement perpetuel, me vienne aborder
auec vne main sur l’espée, l’autre à son costé, & me dire : Par la
M..... Monsieur le Philosophe vous estes volontiers quelque homme
bien entendu au fait de la guerre pour nous en discourir : mais dites
moy nouueau Censeur ne serez vous point vn de ces iours la monstre
pour me demander mon seruiui ? Par la M..... ie croy qu’il vous feroit
bon voir en vn camp, mais ce seroit au coing d’vne tente la teste dans
vne main & les yeux sur la 70. epistre de Seneque, meditant vostre derniere
heure. Toutesfois afin que vous ne puissiez dire que ie vous aye
payé de Rodomontades, ie veux pour ceste fois faire tant d’honneur à
vos resueries, que de m’arraisonner auec elles.

Dictes moy donc, quelles histoires auez vous leuës, de quel siecle
auez vous ouy parler, où l’art militaire ait esté en plus grand honneur
que cestui-cy ? Tant de combats, de defaictes, de prises de villes, de redoutables
Capitaines & de vaillans soldats, qui se sont faits & retrouuez
parmy nous durant ces dernieres guerres, ne sont-ils pas suffisans



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