Anonyme [1649], LE MIROIR FRANÇOIS REPRESENTANT LA FACE DE CE SIECLE CORROMPV. Où se void si le Courtisan, le Politique, le Partisan, & le Financier, sont necessaires au maintien & conseruation d’vn Estat. , françaisRéférence RIM : M0_2480. Cote locale : C_6_22.
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vous dictes de plus beau, ce sont des larcins, des anciens fardez comme
vos visages, & tous ces beaux traits & ces belles pointes ne sont
point nées dans vos tendres cerueaux, ils ont pris racine en meilleur
terroüer, encore ne les prenez vous pas à leur source. Mais de certains
petits extraits donnez de main en main cõme par Cabale, vous font parler
des choses que vous n’entendez point, & nommez bien souuent des
autheurs dont vous n’auez iamais veu la couuerture, de sorte que tout ce
qui procede de vous ne sont rien que des paroles. Qu’estes vous donc en
cela plus qu’vn Echo ? Car on sçait que ceste voix la se fait par le rebattement
de l’air, dans la concauité d’vne voûte. Aussi la vanité de vostre
esprit fait rebattre à vostre langue ce qu’vn autre a desia dit.

 

Franchimanes, vrais charlatans, que vos drogues nous sont cheres,
puis qu’elles nous causent la mort ! C’est par vous la sentine & l’esgoust
des siecles passez, que tant de coups du Ciel sont eslancez sur nos testes,
c’est vostre vie desbordee qui nous conduit au periode de la nostre.
Et puis vous nous loüerez vostre inuention, vostre industrie, & vostre
iugement ? puissiez-vous plustost finir comme vn Turinus, que l’Empereur
Alexandre Seuere son maistre feit estoufer par la fumee, pour auoir
voulu vendre la fumee, (à sçauoir la faueur de cet Empereur.) Que i’aduouë
cette impertinente proposition, ie concluray plustost que vous
n’auez ny science solide ny action qui vaille, soit en l’intelligence, ou
en la conscience, & que par consequent vous estes indignes du nom
que vous portez.

Ceux-cy m’ont tenu long temps, car d’autant qu’ils sont les plus esleuez
sur le theatre, chacun prend garde à leurs actions de sorte que ce
malheur arriue, que si la Cour du Prince est dissoluë tout le reste du peuple
le sera aussi, si elle est bien reglee, il en arriuera tout de mesme. Voila
pourquoy ie vous les ay despeints plus particulierement, d’autant que ce
m’est vne planche pour passer au reste : & ce que i’ay dit de ceux-cy, se
peut dire des deux autres, principalement pour les mœurs, car en cela
l’vn ne vaut pas mieux que l’autre.

Venons donc à ce Politique enfrongné qui de premiere intrade semble
me mesperiser, pour-ce que ie me mesle de si grands affaires ; Dites
moy donc homme de bien, est-il possible que la teste & l’estomach
soient malades, sans que les bras & les iambes s’en ressentent ? Pouuez
vous mal gouuerner & me laisser en repos ? Et si ie pati, si i’endure
vne extréme necessité, pourquoy ne me plaindray-ie pas en mes trauaux :
Pensez-vous que pour vous estre inferieur en authorite, i’aye
moins de cognoissance de vos fautes ? Croyez que le malade iuge mieux
que tout autre de la suffisance de son medecin, & la vertu du Soleil se



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