Anonyme [1652], LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT PRESENT, Où l’on void les fourbes & tromperies de Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1502. Cote locale : B_12_27.
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LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT
present.

SATYRE.

 


PEVPLE éleuez des Autels
Au plus Eminent des mortels,
A la premiere Intelligence
Qui meut le grand corps de la France ;
A ce Soleil des Cardinaux,
De qui d’Amboise & d’Albornox,
Ximenes, & tout autre Sage
Doiuent adorer le visage ;
Le Globe de l’Astre des Cieux
Est moins clair & moins radieux,
Ses rayons percent les tenebres,
Produisent trente Autheurs celebres,
Et font vn affront au Soleil,
Par cét ouurage nompareil,
Que si nos debiles paupieres
Ne peuuent souffrir les lumieres
De ce corps déjà glorieux
Qui nous éblouïront les yeux,
Contemplez l’ame plus obscure,
La sagesse & la foy moins pure,
Le jugement moins lumineux
De ce Politique fameux,
Qui rend l’Espagne triomphante,
Et la France si languissante
Dans ses ambitieux souhaits :
Il ne veut ni tréve ni paix :
Sa fureur n’a point d’interualles,
Il suit les vertus infernalles,
Les fourbes & les trahisons :
Les par jures & les poisons
Rendent sa probité celebre
Iusqu’en l’empire des tenebres.
C’est le Ministre des Enfers,
C’est le Demon de l’Vnivers :
Le fer, le feu, la violence
Signalent par tout sa clemence :
Les François tousjours mal-traittez,
Les Mareschaux décapitez,
Plusieurs personnes exilées,
Trente Prouinces desolées :
Les Magistrats emprisonnez,
Les grands Seigneurs empoisonnez :
Les Gardes des Seaux dãs les chaisnes,
Les Gentils hommes dans les gesnes :
Tant de genereux innocens
Dans les prison sont gemissans.
Cette foule de miserables,
Où les criminels sont coupables,
D’auoir trop d’esprit ou de cœur,
Trop de franchise ou de valeur.
Tant d’autres celebres victimes,
Tant de personnes magnanimes,
Qu’il tient sous ses barbares loix,
Dont il ne peut souffrir la voix,
Dont il redoute le courage,
Dont il craint mesme le visage.
Ce grand nombre de malheureux,
Qui sentent son joug rigoureux ;
Leur sang, leurs prisons, leurs suplices
Sont ses plus aimables delices ;
Il se nourrit de leurs malheurs,
Il se baigne en l’eau de leurs pleurs :
Et sa haine pire & cruelle
Dans leur mort mesme est immortelle ;

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