Anonyme [1652], LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT PRESENT, Où l’on void les fourbes & tromperies de Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1502. Cote locale : B_13_32.
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Est-il vn merite si rare
Qui puisse adoucir ce Barbare ?
Le grand Condé & sa valeur
Peuuent-ils flechir ce voleur ?
Il ne connoist point de Iustice
Que les fougues de son caprice ;
Il outrage les Officiers,
Il gourmande les Chanceliers.
Mazarin auec son insolence
Volle toûjours toute la France :
Et pour confirmer les Edicts
Rend les Magistrats interdicts.
Tous les François sont tributaires
De plusieurs horribles Corsaires,
Iamais Pirates sur les mers
N’ont fait tant de larcins diuers,
Ce Notonnier à ce Pilote,
Rapinant auec vne flotte,
Cornuel meut les auirons,
Luy seul a plusieurs millions.
Il fait regner sur les subjets
Ceux qui sont dignes des gibets,
C’est la conduite admirable
De ce Ministre incomparable,
De ce Capitan sourcilleux,
De ce Matamore orgueilleux,
De ce jeune Hercule des Gaules,
Qui les porte sur ses épaules,
Qui sous ce faix n’est iamais las,
Qui n’a point besoin d’vn Athlas,
Et qui dessus sa maigre eschine
Veut porter la ronde machine :
Ce Courtisan subtil & vain
A fait le Politique en vain ;
Les fautes sont toutes visibles,
Et ne nous sont que trop sensibles :
Les premieres prosperitez
L’ont signalé de tous costez :
Mais les auantures sinistres
L’ont mis au rang des sots Ministres,
Et est que dans les grands malheurs
Que l’on reconnoist les grands cœurs,
L’esclat des heureuses fortunes
Rend rare les ames communes,
Et les ouurages du hazard
Passent pour chef-d’œuure de l’art.
Tout Pilote est bon sans orage,
L’imprudent alors paroist sage :
Mais il se montre ingenieux
Lors que les flots montent aux Cieux :
Quand Dieu punissant l’Infidelle.
Quand il foudroyoit les rebelles,
Quand il vangeoit le droict des Rois,
Quand il combatoit pour les Loix,
Quand il chastioit la Sauoye,
Quand il nous la donnoit en proye,
Quand il se seruoit de nos mains
Pour deliurer les Souuerains,
Mazarin égaloit les Anges,
Et les flateurs dans les loüanges
Donnoit au bras de Mazarin
Les miracles da bon Destin :
Non que par ses soins & ses veilles
Il n’ait eu part à ses merueilles,
Et que Dieu n’ait des instrumens
Des plus fameux euenemens :
Mais la diuine prouidence
Conduisoit sa foible prudence ;
La force des Astres diuins
Me toit la force en ses mains,
Dieu regloit les causes secondes,
Et calmoit la fureur des ondes :
Il leur faisoit baiser alors
Nostre digue ainsi que leurs bords.
Et la Prouidence eternelle
Le destruit comme vn rebelle.

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