Anonyme [1652], LE GOVVERNEMENT DE L’ESTAT PRESENT, Où l’on void les fourbes & tromperies de Mazarin. , françaisRéférence RIM : M0_1502. Cote locale : B_13_32.
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Mais le plus beau des politiques
Est ce fourbe, dont les pratiques
Luy procurent auant le temps
Le venin des plus vieux serpens :
Il est fourbe, il est temeraire,
Mazarin l’a pour Emissaire :
Et vers Monsieur, & vers le Roy,
Et vers tous deux il est sans loy ;
Il tromperoit son propre pere,
Trahiroit sa propre mere,
Si le cours de ses passions
Rapportoir à ses actions.
Il a tant appris d’vn tel maistre
Le mestier de fourbe & de traistre,
Qu’il est le premier fauory
De ce Ministre qui trahy.
Ses prodigieuses richesses
Le font brûler pour deux maistresses,
Par la gloire il est emporté,
Et par les femmes il est dompté,
Son esprit embrasse les vices,
Son corps embrasse les delices,
Qui corrompent le jugement
Par le brutal debordement :
Il se flate de l’esperance
De gouuerner toute la France :
Et dans son desir violent
Trouue que son remede est lent.
L’amour que luy porte Mazarin
Est semblable à celle d’vn badin,
Et si son pere n’estoit doux,
Il en pourroit estre jaloux ;
Sa femme apprend d’vn bon Stoïque
La naturelle politique,
Est que tout vice estant égal
L’adultere est vn petit mal :
Mais pour punir cette coquette
Il luy rend ce qu’elle luy preste.
Si tu demandes des Herauts
Qui nous deliurent de nos maux,
Les Brezay & les Meslerayes
Sont les Medecins de nos playes ?
Si tu veux des foudres de Mars
Qui seruent de viuans rempars,
Coeslin dans la plaine campagne
Sert plus qu’vne haute montagne,
Courlay dans l’empire des flots
Fait vn grand rocher de son dos ;
Ces deux bosses preseruent la France
De toute maligne influence.
Tous ces braues auanturiers
Nous promettent mille lauriers,
Ils outragent les Capitaines,
Ils font des entreprises vaines ;
Et quoy qu’ils craignent les hazards
Ils veulent passer pour Cezards :
Mais qui regne sur les finances,
Bullion dont les violences
Ont esté ce bel instrument
De cét heureux gouuernement.
Le plus cruel monstre d’Affrique
Est plus doux que ce frenetique,
Qui triomphe de nos malheurs,
Qui s’engraisse de nos douleurs ;
Qui par des aduis detestables
Rend tous les peuples miserables ;
Qui par des tyranniques loix
Les fait pleurer d’estre François.
Qui surpasse les Boureaux mesme,
Se plaist dans leurs tour mẽs extremes ;
Qui d’vn exil s’est trempé les mains
Dans le sang de cent mille humains ;
Qui leur blessure renouuelle,
Du fer de sa plume cruelle,
Et rit en leur faisant souffrir
Mille morts auant que mourir.

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