Anonyme [1652], LE FIDELE EMPIRIQVE OV LE PVISSANT HELLEBORE D’VN ANTI-MACHIAVEL : Pour contenter les Mal-contens de l’Estat, & affermir la Liberté des Peuples. "Cœcus est qui Veritatem odit." , français, latinRéférence RIM : M0_1387. Cote locale : B_18_33.
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ont le plus souuent les euenemens tout contraires ã l’vtilité
que l’on s’en estoit promis.

 

Et I pour ce qui regarde les Grands, l’histoire nous apprend,
que combien que leurs sousleuemens ayent souuent
esté suiuis à la longue de la ruine des Fauoris, ou des
Ministres, contre lesquels ils s’estoient sousleuez : si est ce
qu’ils ont aussi esté ordinairement tres funestes à ceux qui
s’estoient liguez contr’eux. C’est l’histoire du Satrape
Molo, qu’Antiochus défit en bataille, iceluy estãnt reuolté
à cause de Hermias. C’est l’histoire du Comte de Monfort
& de son Fils, sous Henry III. d’Angleterre : de Thomas
de Lanclastre, & autres tres-grands Seigneurs, sous
Edoüard II. Des Princes & Seigneurs de Castille sousleuez
contre Dom Aluaro de Luna, & d’infinies autres. Et
la raison de cela est manifeste : d’autant qu’vn Prince qui
void que ses Sujets luy veulent donner la loy, se roidit dauantage,
& voyant que le pretexte de leurs sonsleuemens,
est l’affection qu’il porte à quelques vns, & la bonne opinion
qu’il a de ses Ministres, il croit estre obligé de les proteger
plus opiniastrement, & de se lier plus estroitement
auec eux.

Mais quoy ? faut-il donc souffrir que ces gens gourmandent
tout le monde ? qu’ils abaissent les Grands : & qu’ils
abusent de leur fortune insolemment ?

Vous auez les voyes legitimes : les remonstrances respectueuses
& genereuses ; & si tout cela ne reüssit point, il
faut que vous remontiez plus haut, à la cause & à la source
des mal heurs : & faut icy que l’esprit Courtisan s’humilie,
& qu’il escoute la voix de son Confesseur.

Vous voyez l’authorité & la conduire des affaires entre
les mains de gens, que vous en iugez incapables, ou qui
abusent de leur pouuoir ou de leur fortune. Vous ne tenez
point le rang que vostre naissance, & vostre qualite sembloit
vous donner. Mais entrez en vous, & considerez, si
vous auez point quitté & abandonné vous mesmes ce rang
& cette qualité ? si au lieu de porter vostre esprit à ce à quoy



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