Anonyme [1652], DERNIERE ET TRES-IMPORTANTE REMONSTRANCE A LA REINE, ET AV SEIGNEVR IVLES MAZARIN, pour haster son depart de la France. , français, latinRéférence RIM : M0_1020. Cote locale : B_14_50.
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ne peut aimer la vie, lors que sa conscience
luy reproche tant de pillages & tant de crimes, & le
conuainc de n’auoir fait que des mal-heureux ou
des coupables, dans l’Estat dont il eut le principal
gouuernement.

 

Pensez ainsi, qu’on ne peut estre heureux en faisant
des mal-heureux, qu’il faut estre tousiours hors
de soy pour tirer quelque satisfaction de sa grandeur
en cét état ; que les Palais cimentez de la sueur
& du sang des miserables, sont sujets aux grands
coups de foudre ; que le sommeil des Tyrans n’est
point exempt d’inquietude & de terreur ; que ceux
qui se veulent faire craindre de tout le monde, ont
aussi tout le monde à craindre ; & que ceux qui font
pleurer les autres, apres auoir long-temps pris plaisir
à cét exercice, sont contraints de le pratiquer
eux-mesmes, & font rire en cét état ceux que leur
vanité faisoit pleurer auparauant.

Pensez que celuy qui dans l’isle de Samos faisoit
tout retentir du son d’vne infinité d’instrumens de
Musique, lors que tout l’Orient estoit en pleurs
pour son sujet, Antoine dis-je, apres les aimables
diuertissemens de sa vie, nommée sans pareille, fut
obligé d’en changer le nom en vne autre, qui témoignoit
le changement de sa fortune ; & lors qu’il
fut contraint de se donner le coup mortel dans Alexandrie,
n’eut que la satisfaction d’expirer aux yeux
de celle qui fut cause de sa ruine, & que la morsure
d’vn aspic mit en état de le suiure bien-tost apres.

Pensez de mesme, que celuy qui de la tour de



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