Anonyme [1649], LE COVRIER ESTRANGER, CONTENANT LA LETTRE DE CREANCE QVE L’ARCHIDVC LEOPOLDE A ENVOYEE A Messieurs de la Cour du Parlement de Paris. Ensemble ce qui s’est passé en ladite Cour sur le mesme sujet: & la Harangue faite par Messieurs les gens du Roy à S. Germain en Laye. , françaisRéférence RIM : M0_826. Cote locale : C_1_45.
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foy duquel ils allerent seuls iusques au haut de la montagne de Chaillot, auquel
lieu ils rencontrerent deux brigades de la Compagnie de Cheuaux legers
de la Reyne, commandée par le Mareschal des logis qui les escortoit dans le bois
de Boulogne & iusques à la derniere porte, à laquelle ils rencontrerent les compagnies
des gardes de Monsieur le Mareschal de Grammont qui les attendoit,
& ledit sieur Mareschal de Grammont en personne, lequel mist pied à terre, &
entra dans leur Carrosse auec beaucoup de ciuilitez, puis les conduisit à sainct
Cloud dans son logement, & leur donna pour quelque temps le couuert, à cause
de l’iniure du froid & de la Neige, & puis fit monter à cheual sa Compagnie des
gardes qui les conduisit iusques à Ruel, auquel lieu ils trouuerent vne nouuelle
escorte de Cheuaux legers du Roy qui les conduisirent à sainct Germain,
auquel lieu ils descendirent chez Monsieur le Tellier Secretaire d’Estat, lequel
leur bailla son Carrosse pour aller chez Monsieur le Chancellier, auquel
ils firent entendre le sujet de leur deputation, & le prierent de demander leur
Audience à la Reyne, laque le ils attendirent iusques à sept heures du soir, auquel
temps ils furent aduertis par le sieur de Sainctot qui les conduisit au Chasteau,
& trouuerent la Reyne dans son Cabinet, assise & proche d’elle tout le
Conseil assemblé. Et apres l’auoir saluée, ils luy dirent, Madame, Vendredy
dernier lors que le Parlement estoit assemblé en la maniere accoustumée, il
fut aduerti qu’vn Herault reuestu de sa cotte d’Armes, & de ses autres habits de
ceremonie, demandoit à entrer dans la ville pour parler à la Cour de la part de
vostre Majesté, cette nouuelle impreueüe surprit toute l’Assemblée, iusques à ce
que y ayant esté fait quelque reflexion serieuse, ils estimerent que cette action
estoit vne tentatiue ; Que vostre Majesté vouloit esprouuer la fidelité de ses
suiets, sçauoir quelles estoient leurs pensées & leurs inclinations en ce rencontre,
s’ils ne s’estoient point mescogneus, & s’ils voudroient bien traitter auec le
Roy leur Maistre, autrement que des suiets ont coustume de receuoir les ordres
de leur Souuerain : de sorte que lors qu’ils ont differé, ou plustost qu’ils n’ont
osé receuoir le Herault qui leur estoit enuoyé, ç’a esté par respect, pour tesmoigner
l’obeïssance & la soubmission qu’ils recognoissent deuoir à vostre Majesté,
sçachant bien que des personnes de cette conditionne s’enuoiẽt qu à des Souuerains
ou à ceux qui le pensent estre ; Que lors que ne pouuant faire cognoistre
leurs volontez par les voyes communes & ordinaires, ils sont obligez de se seruir
de ces truchemens publics, lesquels estant porteurs de marques extraordinaires,
le droit des gens & le consentement de tous les peuples les authorise,
Mais jà à Dieu ne plaise, Madame, que nous soyons en cet estat, & que la pensée
de vanité ou l’esprit de domination nous soit monté dans la teste, & que nous
ayons d’autres inclinations que celles que doiuent auoir de tres-humbles sujets
& Officiers de vostre Majesté, lesquels par cette consideration se sont abstenus
d’écouter le Herault qui leur estoit enuoyé, de crainte qu’il ne leur fust imputé à
la posterité d’auoir entrepris quelque chose au de là de l’exercice & de la fonction
legitime de leurs charges : Au contraire ils nous ont donné charge d’auoir l’honneur


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