Anonyme [1649], LE BON BOVRGEOIS DE LA PARROISSE DES SAINCTS INNOCENS, A MESSIEVRS DE & cætera. , françaisRéférence RIM : M0_584. Cote locale : B_17_7.
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de la Cossonnerie aller leur train ordinaire, les Ports de
la Gréve & de l’escholle bien garnis de Bled, de Vin,
& de Bois, la Place aux Veaux mieux remplie que iamais,
auec la douce & friande odeur de nos Rotisseries :
Que ie rencontre en fin quantité de boucs gras par la
Ville, & que i’entende crier, tant aux grands comme
aux petits, gare la Corne, Messieurs, ie me persuaderay
pour lors que tout est bien gouuerné dedans ces Prouinces ;
Ce sont-là les raisons sensibles que nostre Curé
appelle Arguments, ad hominem. C’est à dire, tirez de
la marmitte ; Ma foy, quand l’exercice des machoires
manque, il n’y a remonstrance, fut-elle du style du
plus grand Docteur de Sorbonne qui ne me fasse croire
que tout n’aille tres-mal par tout.

 

Pendant ces dernieres Barricades, i’ay tousiours
roullé & fait ripaille comme les autres ; mais en mesme
temps que ie vis à nos portes, Monsieur & cætera, armé
comme vn sainct George, & que ie fus reduit à
manger du pain bien bis, & encores à leche doigt ; Ie
commençay à considerer, que de ce que l’on fait souuent
à l’étourdy, on s’en repent tout à loisir ; hé de
pardieu quand i’y songe ? i’en ay grand deuil, mes meubles
& les bagues de ma pauure defunte femme Iaqueline,
& ses beaux ouurages au petit mestier y ont
bien paty, & n’ont pas esté bastants pour me nourrir
long temps en cette calamité, en laquelle tout mon
pauure corps est deuenu sec & havre comme vne des
carcasses de nostre Cimetiere.

C’est pourquoy, Messieurs, ayant encores la caboche
toute estourdie du coup, i’apprehende grandement
de me reuoir vne autrefois à telles nopces, où ie



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