Anonyme [1649 [?]], LA VERITÉ SANS MASQVE DE LA MISERE PERSECVTEE, OV LA PLAINTE DES PAVVRES A LA REINE, CONTRE LE CARDINAL Mazarin. In puteo veritas. Neque vrgeat super me puteus os suum, Ps. 68. , français, latinRéférence RIM : M0_4004. Cote locale : C_10_43.
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Majesté faire reflexion, à quel excez de rage peut deuenir vn
peuple mutiné, qui ne cherche qu’à mourir ne luy restant
plus dequoy-viure : Qu’elle considere dans le calme de ses
passions, que la France est sur le penchant de sa ruine : Que les
villes sont desertes : Le commerce perdu ; Les Prouinces rauagées ;
Toute la cãpagne en friche, & que la liberté indiscrette,
ô Malheur ! que sa Majesté a donnée à des infames Partisans,
qui ont mis au dernier offrant la sueur & le sang du pauure
Laboureur, appuyez sur l’authorité vsurpée d’vn lasche
Fauory, pardonnez à la verité, Madame, c’est la misere, a
chassé du Royaume les Dieux domestiques de nostre bonheur :
Nos richesses & nos tresors ont esté transportez en vn
pays estranger, pour enseuelir dans leur éclat l’ordure & la
vilité d’vne race faquine, qui n’eust iamais d’autre honneur,
que d’en auoir iamais eu, & ne nous a laissé autre chose pour
laisser à nos nepueux qu’vne honteuse misere, accompagnée
de nos regrets & de nos larmes. Madame, les prieres & les
sacrifices font compatir Dieu à la misere des hommes, & par
vn secret ressort de sa bonté, le font condescendre à la floiblesse
de leur nature. S’il vous reste quelque sentiment de
pieté pour les pauures, il nous reste encore quelque goutte de
sang dans les veines, nous les sacrifirons à vostre Majésté : il
nous reste quelque peu de vie, nous voulons l’exposer pour
son seruice, & manger iusques à nos enfans, apres auoir brouté
l’herbe comme les bestes pour la conseruation de l’Estat &
de la Patrie. Mais aussi, Madame, supplions nous tres-humblement
vostre Majesté deuant que nous laisser emporter à
la violence de la rage, & à l’extremité du desespoir, de chasser
loing de nos yeux l’execrable sujet de nos larmes, d’oster
la cause de nos maux, & nous n’en ressentirons plus la douleur
si cuisante, de congedier cét homme, si ce n’est vn Demon,
d’exterminer Iulle Mazarin de vostre Royaume : Il n’a
que trop duré en France, à la confusion des Prince du Sang,
qu’il a fait ses esclaues, au grand scandale de tous les gens de
bien qui l’ont souffert par discretion, & au preiudice mesme
de l’innocence la plus espurée qu’il a renduë criminelle ; Il n’a
que trop regné pour ternir la blancheur de nos lys & introduire
par ses lasches déportemens les plus abominables pechez
que la malice puisse inuenter & la brutalité commettre :
C’est luy, Madame ; C’est Iulle Mazarin, qui au déhonneur


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