Anonyme [1649 [?]], LA VERITÉ SANS MASQVE DE LA MISERE PERSECVTEE, OV LA PLAINTE DES PAVVRES A LA REINE, CONTRE LE CARDINAL Mazarin. In puteo veritas. Neque vrgeat super me puteus os suum, Ps. 68. , français, latinRéférence RIM : M0_4004. Cote locale : C_10_43.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 5 --

religion que le libertinage. C’est sans doute, quelque enchantement,
& quelque noire magie, qui ébloüit les yeux de
Vostre Majesté, & l’aueugle, pour ne voir le desordre & la
condition presente de l’Estat & du Royaume : Ce n’est pas
moy, Madame, c’est sa vie, sont ses actions qui parlent, sont ses
crimes qui l’accusent, c’est tout le mõde qui en demeure scandalizé.
C’est la voix des Pauures & du Ciel qui proteste par
ma bouche, & asseure Vostre Majesté que ce Charlatan est la
tigne qui seiche le Royaume, le dragon qui deuore la France,
le ver qui ronge les Prouinces, & la peste contagieuse qui
fait mourir les hommes. Les vefues sont desolées, les pauures
opprimez, les riches miserables, vostre Royaume diuisé, vos
Estats sont troublez, vostre repos inquieté, la personne du
Roy en peril, la vostre sur le bord du precipice, que Vostre
Majesté preuoit, & ne croit pas, lors qu’elle s’attire la haine
du peuple, la fureur de ses subjets, l’indignation des pauures,
preferant le bien d’vn particulier au bien du public, & le sang
Estranger au sang domestique des François : Madame, Dieu
prend en main la defense des Innocens, & se vange en la personne
des Souuerains de l’iniustice que la tyrannie leur fait ;
Marie de Medicis est morte miserable dans les terres Estrangeres
de ses plus cruels ennemis, la France luy estoit obligée
de ce qu’elle estoit mere de son Roy, & voila tout ; aussi ne se
mist elle pas beaucoup en peine de procurer son retour, ne
pouuant oublier le ressentiment des concussions & des iniustices
qu’elle faisoit souffrir à son peuple. Dieu par vne prouidence
admirable de sa Sagesse infinie, a laissé cét exemple
à la suitte des siecles, pour donner a connoistre aux Puissances
Souueraines, qu’elles se doiuent rendre sensibles à la voix
des peuples, & donner quelque relasche à l’Innocence opprimée.
Les pauures sont les membres de Dieu, il en est le Chef,
& par consequent le deffenseur, les Roys ne regnent que
parce qu’il les fait regner : Saül, Manassez, Balthasar, ont esprouué
en leur personne l’effet de cette verité. Mais sans aller
feüilleter si loin dans les Histoires, certainement, Madame, la
mort tragique du Mareschal d’Ancre, doit-elle point faire apprehender
Mazarin d’vn pareil traitement, n’en estant pas
moins digne ? Et vostre Majesté d’vn honteux reproche d’auoir
si long-temps souffert en vostre Cour le sujet de la misere
commune, le fleau du Peuple, le tyran de nos bourses, &


page précédent(e)

page suivant(e)