Anonyme [1652], LA VERITÉ DE CE QVI S’EST passé à Paris en trois fascheuses rencontres. CONTRE LES IMPOSTVRES contenuës en la Lettre Mazarine, du Bourgeois desinteressé. AVEC LA RESPONSE A LA LETTRE escrite par le Cardinal Mazarin, sous le nom du Roy, au Parlement de Roüen. , françaisRéférence RIM : M0_3986. Cote locale : B_12_48.
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& aussi pour l’accoustumer au Sang : Ne pouuant ce jour là repandre
celuy des Bourgeois de Paris, il se contenta de prodiguer celuy
des gens de guerre. S’estant logé en vn lieu esleué qui découuroit
toute la campagne, il faisoit comtempler à nostre jeune Monarque
vn cruel combat entre ses meilleurs Capitaines & Soldats,
quasi tous François. Cét Estranger impitoyable, repaissoit ses yeux
de ce carnage, lors qu’il vit Paris se declarer, la Bastille tirer, les
Bourgeois sortir en foule, le Passage de la Ville ouuert aux Gens
des Princes, & la plaine auec les ruës du Faux-bourg sainct Antoine
se joncher de corps morts ; le plus grand nombre estant de
ceux qui soustenoient auec regret celuy, qui enuoye les Officiers à
la mort, pour disposer de leur charges en faueur des siens, & qui
se jouë des vies de la Noblesse, pour se maintenir en France en
dépit des Loix, des Declarations, & des Arrests qui l’en chassent,
& contre la raison & Dieu mesme, qui luy conseillent & ordonnent
d’en sortir, pour se donner la Paix, & nous la laisser.

 

Il disoit au Roy que toutes choses fauorisoient ses intentions,
que Paris luy ouuroit les Portes, les fermoit aux Princes, luy tendoit
les bras ; que la Bastille canonnoit ses ennemis, que les Parisiens
les prenoient par derriere, que toute la Ville hormis vne
centaine de Coquins estoit pour luy, que sa Maiesté y entreroit ce
jour là en triomphe sur vn tas de rebelles tuez : Que le Duc d’Orleans
auoit pris la fuite : Que le Prince de Condé estoit prisonnier,
les Ducs de Beaufort & de Nemours assommez.

Le C. M. entassoit toutes ces bourdes, lors qu’on luy rapporta
son Neveu Manciny blessé à mort, auec le Fouilloux chery du Roy :
Les Marquis de saint Maigrin & de Nantoüillet tuez, auec plusieurs
Caualiers, & Officiers : Qu’on ne voyoit venir que des balafrez &
percez : qu’on n’entendoit que des lamentations, & murmures.
Dans ce renuersement d’imaginations, la Folie, & la Furie du C.
M. se produisirent toutes entieres. La Colere, la Peur, & la Tristesse,
qui sont les trois plus basses Passions du Cœur humain, se joüoyent
de celuy de cét Homme.

La premiere luy faisoit vomir mille injures contre le Mareschal
de Turenne : La seconde le portoit à nous menacer de sa retraite
comme d’vn malheur : Et la derniere qui luy representoit son Manciny
mourant poussoit auec ses larmes mille saillies d’vn esprit roturier
rempant.

Dans ce recit veritable de ce qui se passa le second de Iuillet ; on
peut remarquer que l’Autheur de la Lettre du Bourgeois, a affecté



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