Anonyme [1649], L'ANTI DESINTERESSÉ OV L’EQVITABLE CENSEVR DES LIBELLES SEMEZ DANS PARIS SOVS LE NOM DV DES-INTERESSÉ. COMMENCANT PAR CES MOTS, Pauure Peuple abusé; Desille les yeux, & tendant à des-vnir les Habitans de cette Ville d’auec les Princes & le Parlement. , françaisRéférence RIM : M0_87. Cote locale : A_3_31.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 7 --

auoir esté relaschez par Mazarin, & la fin tragique de plusieurs qu’il
a enuoyez en l’autre monde par la violence du fer & du poison, ne
dementent point ces superbes symboles de sa cruauté : Laquelle le
rendant semblable à ces peuples si accoustumez au sang, que non
contens de celuy de leurs ennemis qu’ils venoient de repandre, il
versoyent encor le leur chez eux mesmes, l’oblige, apres auoir
fait rougit les campagnes du sang des François depuis tant de temps
qu’il refuse la Paix, à le faire encor ruisseler dans leurs propres maisons
& par tout aux enuirõs de cette ville : qui de la demeure de tous
nos Roys estant deuenuë le fameux theatre où ce Tyran esleue les
principaux Trophées de ses excez, se voit remplie d’horreur & d’effroy
par le rapt qu’il a fait de son Monarque, par les viols, les prophanations,
les sacrileges & les autres hostilitez espouuentables qui se
cõmettent sous ses ordres dans ses bourgs & vїllages circonuoisins.

 

Peuple de Paris, tu le sens, tu le vois, ton experience t’en sert d’argument
aussi funeste que sensible, & toute l’Europe en rendroit biẽ témoignage : C’est
pourquoy, il ne faut point de longues procedures pour le conuaincre : il n’est
pas, dis-ie besoin de Lettres ny de nouueaux denonciateurs : ses forfaits sont
de ceux dõt Quintilian disoit fort à propos que les yeux d’vn chacun estoient
de suffisans témoins pour obliger les Iuges à y prononcer : Ou, suiuant la
sentence de Seneque en ses Controuerses, il n’est pas besoin auiourd’huy de
prouuer par raisonnemens si la Republique est offensée par le procedé du Cardinal,
dautãt que les dommages qu’elle en a receus sont trop euidens : De sorte
que si no9 tenions ce puissãt criminel, il ne seroit pas pl9 necessaire de luy confronter
personne pour le conuaincre des maux qu’il a faits, qu’il n’eust fallu, si
l’on eust pû se saisir de la personne de Iules Cesar, pour le conuaincre d’auoir
passe le Rubicon, d’estre entré à main armée dans l’Italie, & d’auoir volé &
emporté le tresor public, parce qu’il s’agit en cette cause comme en celle-là
d’vne chose notoire que tous les Iurisconsultes definissent : Quod fit corã populo,
& ç’a esté aussi sur cette notorieté que nostre sage Parlement l’a condamné,
c’est à dire, sur les clameurs du peuple & la desolation manifeste de cette
grande Ville.

Mais l’autheur du Libelle continuant de defendre ce coupable desia
iugé, se persuade, ou croit nous persuader, qu’il n’a rien entrepris &
ne fait encore rien que de tres-iuste, puis qu’il est applaudy & fauorisé
du Duc d’Orleans & du Prince de Condé. Ainsi non seulement il dement
tout vn peuple, mais diffame honteusement l’honneur des deux pl9 grãds Princes
que nous ayons : lesquels ne prestent leur bras à cet ennemy que par vne obeyssance
aueugle qu’ils rendent à la Reyne, qui n’auroit aussi que de bõnes
intentions si elle n’estoit trompée par ce Conseiller inhumain à qui elle a trop
laissé prendre d’auantage. Tellement, que s’il sort vne sois de ce Royaume qui
de se porta iamais bien auec des Ministres estrangers tãt s’en faut que le Duc
n’Orleans & le Prince de Condé trauersent encor nostre repos, qu’ils s’efforceront
de le rendre plus ferme qu’il n’a point esté, & nous reuerrons l’opu[4 lettres ill.]e



page précédent(e)

page suivant(e)