Saint-Joseph (révérend père dom Pierre de = R. P. D. P. D. S. J.) [1649], CATECHISME DES PARTISANS, OV RESOLVTIONS THEOLOGIQVES touchant l’Imposition, Leuées & Employ des Finances, Dressée par Demandes & Responces, pour plus grande facilité. , françaisRéférence RIM : M0_652. Cote locale : D_1_9.
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denrées, que l’on rend infinies par des augmentations si estranges, que les peuples
succombent sous le faix : Si, dis-ie, outre cela, il est permis à vn Ministre ou à vn Fauory,
qui abusera de l’authorité du Prince, de taxer les particuliers quand bon luy
semblera, & à telles sommes qu’il luy plaira, sous le pretexte qu’ils sont accommodez
dans leur condition, & les contraindre de payer, ou de gre, ou de force : qui ne
voit que c’est mettre tout le bien ces particuliers au pillage de ces insatiables, & qui
ne diront iamais, c’est assez, encore qu’ils ne trouuent plus rien à prendre. Il y a encore
vn autre mal dans cette maudite inuention. C’est la methode que l’on a tenuë
pour ces leuées : car ie ne dïray en cecy que ce dont ie suis témoin, qu’ayant fait signifier
des taxes d’Aysez, ceux ausquels la signification estoit faite, ayant recours
aux partisans à Paris, ou à leurs sous-traittans ou Commis dans les prouinces, en
estoient facilement dispensez, en donnant à sousmain le quart ou le tiers de leur taxe,
au lieu desquels on en substituoit d’autres. Si bien que c’estoit vne porte ouuerte
à vn brigandage public, & pour vn million, par exemple, de traité qui en venoit au
Roy, ou pour mieux dire à ses fauoris, il s’en leuoit quatre ou cinq sur le pauure
peuple. Iugez si en ce cas la condition des François, qui se disent libres par dessus
toutes les nations du monde, n’est pas plus mal-heureuse que celle de ceux que nous
appellons esclaues sous l’Empire du Turc ?

 

D. Bon Dieu ! ne verrons-nous iamais la fin de ces miseres ?

R. Ce sera quand il plaira à ce Maistre Souuerain, d’ouurir les yeux du Roy & de
Reine Regente, pour voir le sac & la misere, ou ces pestes ont reduit les peuples, leur
toucher le cœur de compassion à l’endroit de l’Estat, qui n’est plus qu’vn Hospital
de miserables ; & leur inspirer l’ardeur & le zele, pour tirer la vengeance proportionnée
au crime, de ceux qui ont ainsi ruiné le Royaume, en abusant de leur nom & de
leur authorité.

D. Vos resolutions me consolent d’autant plus qu’elles sont claires & faciles ; &
si ie ne craignois de vous importuner, i’aurois grande passion de sçauoir vostre senti
ment sur la matiere des prests ?

R. Cette matiere est trop vaste pour la bien éclaircir, quant à present, pource
qu’elle enferme auec soy tout ce qui concerne les vsures, ou vous sçauez que la Theologie
à la mode, & la Morale du temps, ont tant trouué de distinctions, & leur ont
donné de si belles couuertures, que les plus. Iuifs sont les plus habiles & les plus iustes,
qui sans risquer, tirent plus de profit de leur argent. Neantmoins parce que ie
voy bien que vostre demande ne regarde que les prests que l’on fait au Roy, & en la
maniere qu’on les fait à present, c’est à dire, auec des douze, quinze, dix huict, ou
vingt pour cent de profit De cette sorte ie fais la mesme responce, & par les mesmes
raisons, que i’ay fait touchant les partisans & les Tresoriers. Car encore qu’il y aye
quelque difference touchant le nom & la maniere dont on tire le profit. Neantmoins
la fin & l’effect en sont tousiours les mesmes ; Au contraire, il y auroit lieu de rendre
ceux-cy plus coupables & plus criminels, puisque les autres ne manquent point de
raisons apparentes pour se couurir, que ceux-cy ne peuuent aucunement appliquer
en leur faucur. Aussi tout le monde sçait l’opposition de Monsieur l’Archeuesque
de Paris auec la Sorbonne, à la Declaration enuoyée à la Chambre des Comptes,
pour authoriser ces maudits prests, mais plustost ces infames vsures, & les rendre
licites à toutes sortes de personnes.

D. Quel iugement faites-vous donc de ceux qui prestent pour prester ?

R. Mon sentiment est, qu’ils pechent mortellement, encore qu’ils le prestent
gratuitement, & sans participer à ce profit infame & criminel que les autres en tirent.
Semblables en quelque sorte, à ceux qui presteroient l’eschelle à vn voleur de



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