Fortin, Pierre (sieur de La Hoguette) [1650], CATECHISME ROYAL. , françaisRéférence RIM : M0_653. Cote locale : A_9_2.
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iusques à ce que V. M. soit en âge de faire elle-méme vne veritable
distinction du bien & du mal ; elle me sera obligée quelque iour,
quand elle aura reconnu de combien de cheutes d’esprit ie l’auray
garantie, qu’elle eust faites infailliblement, si elle eust esté abandonnée
à sa propre conduite. De plus, Vôtre Majesté void bien combien
est respectueuse la contrainte dont on se sert, quand elle resiste
aux choses qu’on desire d’elle, on la flate au commencement, on la
supplie ; & la plus grande violence qu’on luy fasse, est de la menacer
de se plaindre à la Reine de sa desobeïsance.

 

L. R. Certainement ie reçois vn extréme plaisir d’entendre ce
que vous dites, & ie ne vous auois iamais consideré que comme vne
personne que ie deuois craindre : mais à present que ie suis informé
de la douceur de vos sentimens, & que ie suis des abusé que ce mot
de Gouuerueur soit vn nom facheux, ie ne veux plus vous regarder
que comme vn fidele & amiable surueillant de mes actions.

L. G. Toute personne qui a esté choisie pour l’instruction de la
ieunesse, de quelque condition qu’elle soit, se doit plûtost considerer
comme vn guide de son disciple, que comme ayant vne puissance
absoluë de le commander ; toute sa force doit estre en sa parole,
& ainsi il seroit tres à propos d’oster de l’vsage commun cette
insolente qualité de Maistre, qui suppose en celuy à qui on la donne,
vn pouuoir tyrannique, & en son Disciple vne obeïssance seruile.
Le châtiment de la main n’est propre que pour la beste, la parole &
le raisonnement est la vraye discipline de l’homme, Il le faut instruire
en luy faisant connoistre ce qu’il faut faire, & ce qu’il faut
laisser ; & n’employer pas l’action du dernier de nos sens, qui est le
toucher, pour faire ce qui n’est deu qu’à la plus belle partie de l’ame,
qui est l’entendement, On se sert du bâton & du foüet en la Galere
& au Manege, pour tirer du corps ce seruice qu’on en desire : mais
de frapper le corps pour les fautes de l’ame, c’est plûtost (ce me
semble) l’irriter que l’instruire. L’ame a vn chastiment plus doux
& plus effectif, qui est la honte, qui sans la troubler que d’vne honneste
pudeur, luy donne le temps de faire reflexion sur la faute
qu’elle a faite, & on se doit plûtost seruir de cettui ci, qui rameine
l’esprit à foy, que de l’autre qui le desespere. Ce n’est pas qu’il ne se
rencontre quelquefois des natures revéches & incorrigibles, par la
honte : A ceux-là, puis qu’ils tiennent de la nature des brutes, on ne
leur fait point de tort de les traitter en bestes, & de leur faire sentir



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