Carneau [signé] [1649], LA PIECE DE CABINET, Dediée aux Poëtes du Temps. , françaisRéférence RIM : M4_63. Cote locale : C_8_24.
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Cette eau de Castalie où l’on deuient Poëte
N’inspire à ses poumons qu’vn accent enrumé :
Mais quand il me courtise il se sent animé
D’vn air qui rend sa voix plus diuine & plus nette.

 

 


Les mignons de ce Dieu font par moy des miracles,
Et me doiuent l’honneur de leurs plus beaux desseins ;
Ma feconde vertu les produit par esseins ;
Et mon gazoüillement leur dicte des oracles.

 

 


C’est erreur de penser que dans la Poësie
L’on puisse reüssir à moins que de m’aymer ;
Tous ceux que mes appas ne peuuent enflammer
N’ont iamais qu’vne veine infertile & moisie.

 

 


Ce Lyrique excellent de la Muse Romaine
Que Mecene appelloit le Pindare Latin,
Eust-il pourueu ses vers d’vn si fameux destin
Si ma douce fureur n’eust enrichy sa veine ?

 

 


Si tost que son esprit sentoit la pituite
Offusquer tant soit peu ses nobles fonctions,
I’accourois au secours de ses conceptions,
Dont il m’attribuoit la gloire & le merite.

 

 


Fuyant la medecins, & ses plus sçauans Maistres
Qui m’esloignoient de luy pour conseruer ses yeux,
Il iugeoit leurs auis, sots & pernicieux
De nuire au bastiment pour sauuer les fenestres.

 



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