Anonyme [1649], LA RENCONTRE DES ESPRITS DV DVC DE CHASTILLON ET DV BARON DE CLANLEV, APRES LEVR MORT, arriuée à Charenton. , françaisRéférence RIM : M0_3347. Cote locale : C_9_58.
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employ. En fin le Ciel touché des plaintes de tant de miserables,
& lassé des crimes de ces Monstres inhumains, inspire dans
les peuples vn genereux dessein de destruire la Tyrannie. Le François
accablé sous le faix de leurs violentes exactions, auoit souffert
au delà de ses forces sans murmurer, par l’amour qu’il porte à son
Souuerain : mais lors qu’il est prest de succomber sous le poids de
cette charge, il assemble ce qui luy reste de forces pour secoüer cet
insupportable fardeau ; pour cet effet il conjure le Parlement son
protecteur de le deliurer de cette seruitude, qui comme vn sage
Medecin employe d’abord les remedes lenitifs, crainte d’irriter le
mal ; mais ce procedé plein de douceur est reconnu de la part des
Ministres par mille rigoureux traittemens. Le peuple voyant le peril
où, son interest engage ce Corps celebre, se resout d’armer le Bras
qui le soûtient, & trouuant tout à coup en soy des forces qu’il ne connoissoit
pas, contraint ces lasches esprits d’accorder apparemment
ses iustes demandes pour attendre l’occasion de le perdre. Ce dessein
mal concerté, est encore plus mal executé, ils tirent le Roy hors
de Paris, pour le sauuer de l’embrasement qu’ils veulent allumer
dans cette grande Ville ; ils en bouchent les passages, & par vne rage
forcenée veulẽt sacrifier vn million d’ames par la famine à leur vengeance
brutale. Mais l’ordre & l’vnion des Parisiens ruine leur dessein :
tous les membres de ce grand corps estant parfaitement vnis, il
ne luy manquoit qu’vn Chef pour le cõduire. Vne trouppe de testes
illustres se presentent en mesme temps, & par vne defense legitime
renuoyent le desordre & la confusion sur le front de leurs ennemis :
l’embrasse cette occasion, comme la plus fauorable qui se pouuoit
offrir pour témoigner le zele que j’ay pour ma patrie. I’obtins vn employ
plus considerable par la necessité des affaires, que par son importance.
C’est là qu’estant reduit par la quantité de vos trouppes à
ceder à leur effort, j’ay voulu vendre cherement ma vie, & refusant
le quartier qui m’estoit offert auec instance, témoigner par vne mort
honorable la passion que j’auois de seruir l’Estat contre ses Ennemis.
Que s’il me reste encore quelque douleur dans ces lieux, c’est de ne
luy auoir pas rendu vn seruice plus considerable. Mais s’il a perdu vn
soldat sur la terre, il en a acquis vn dans le Ciel, qui combattra plus
ardemment que iamais pour son repos, & pour le deliurer de l’oppression
des Estrangers. Voila l’illustre sujet de ma mort, & le motif
legitime qui l’a causée. Ie vous prie maintenant de contenter ma


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