Anonyme [1649], LA GVYENNE AVX PIEDS DV ROY, QVI SE PLAINT DE SES ENFANS, ET QVI DEMANDE A SA MAIESTÉ la continuation de la Paix interrompuë. Discours Moral & Politique, qui monstre l’obeyssance que l’on doit aux Roys, & l’obligation à quoy leurs Majestez sont engagées d’aimer, & de conseruer leurs Peuples, dont ils sont les Protecteurs, & les Peres. , françaisRéférence RIM : M0_1536. Cote locale : C_5_34.
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est ce que ie diray, ou en effet, qu’est-ce que ie
ne diray point ? Quelles paroles peuuent égaler l’enormité
d’vn si sanglant sujet, en quels termes l’exprimeray-je,
& de quelles bornes pourray-je enfermer ces
plaintes, & ces lamentations publiques ?

 

Certes ie diray, quoy qu’à mon grand regret, que
Basine Reyne de Turinge, a bien prophetisé de vous, ô
mes indignes enfans, quand elle a dit, que la premiere
lignée feroit comme des Lyons, & Leopards, la seconde,
comme des Ours, & la troisiesme, comme des chiẽs
qui se deschireroient l’vn l’autre. C’est ce qui se void
accomply en ce temps ! O que mon genie est puissant
en ces iours ! Iours plus malheureux, que tous les iours
noirs des Romains ensemble ! Iours plains de miseres
& de malheurs, que les tenebres & les ombres de la
mort vous couurent eternellement ! Comment est-ce
que l’Aurore peut en ce temps visiter la terre, puis
qu’elle enfante des monstres si prodigieux ? Est-ce pour
me faire voir ces beaux chefs-d’œuures de trahison, de
perfidie, & d’impieté ? Peu s’en faut que ie ne fasse comme
les Libiens Apharantes, qui disoient des iniures au
Soleil Leuant, & l’outrageoient comme celuy qui offroit
à leur veuë tant de sorte de maux & de calamitez.
Et que voy-je au tour de moy, que des gens plus dangereux
que les serpens, qui quelque venin, peste, poison,
mort certaine qui soient en eux, n’attaquent iamais
ceux qui sont de leur mesme espece ? Le voisinage,
l’alliance, le mesme sang, & la mesme maison, la
communication de langue & de mœurs, qui deuroient
estre les liens de paix, de concorde, & d’amitié, seruent
auiourd’huy de flambeaux de guerre, de dissention, &
d’inimitié.

O Dieu, quel changement de temps ! Autrefois mes
enfans paroissoiẽt au loin contre les Estrangers, & maintenant
ils tournent la pointe de leurs armes contre eux-mesmes !
Où est le temps que les François donnoient



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