Le Solitaire [signé] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1649], ADVIS D’ESTAT A LA REYNE, Sur le gouuernement de sa Regence. , françaisRéférence RIM : M0_498. Cote locale : A_2_16.
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France, dautant qu’il pouuoit estre Empereur. Qui peut douter,
MADAME, que le Cardinal de Richelieu ayant renuersé tous les
ordres, & ruiné toutes les maximes fondamentales du gouuernement
de cet Estat ; n’ait eû le dessein de bastir sur ces ruines vne nouuelle
domination, d’vsurper la Royauté, & de la transmettre aux
siens ? Ainsi, MADAME, les Ministres de la qualité du feu Cardinal
de Richelieu, vsurpateur de l’authorité Royale, veritable autheur
de nos desordres & confusions, & son imitateur le Cardinal Mazarin,
trop foible en esprit & en moyens pour perpetuer la tyrannie de
son Maistre, ont des interests entierement opposez & contraires à
ceux du Prince & de sa conseruation. Ils sont vsurpateurs de cette
authorité, & comme tels, pour regner selon leur passion, ils veulent
renuerser tous les anciens ordres de l’Estat. Ils s’efforcent d’abbatre
les principaux soustiens de l’authorité Royale, qui sont les Parlemens.
Ils veulent ruiner ceux qu’ils soupçonnent de ne pas fauoriser
leurs desseins, & ne le pouuant legitimement faire ny de droict, ils
subuertissent les formes ordinaires de la iustice, ils introduisent vne
nouuelle iurisprudence, pour rauir impunément les biens du public
& des particuliers. Contre les Loix & les Ordonnances ils retiennent
les innocens plusieurs années prisonniers, leurs passions & leurs
caprices sont les seules loix qu’ils veulent establir. Pour toucher
quelques poincts des affaires presentes, ie diray franchement & auec
respect à V. M. que ce n’est pas l’interest du Roy d’auoir au grand
preiudice de ses Finances racheté des rentes pour plusieurs millions
au denier quatorze, qui ont esté acquises au denier trois des pauures
particuliers par des gens puissans en authorité, & qui ont receu des
deniers du Roy le quintuple & plus du prix de leur achat. Si le
Cardinal eust eu de la probité, & de l’affection au bien du Roy & de
son Royaume, & qu’il eust esté capable d’affaires, il auroit fait tourner
au profit de sa Majesté ces remboursemens de rentes, qui ont
causé vn preiudice tres-notable aux affaires de l’Estat. Les vsures
illegitimes & damnables qui ont reduit les subjects du Roy à mendicité,
& ont espuisé ses finances, sont-elles vtiles à la manutention
de l’authorité Royale ? & pour maintenir ceux qui les ont exercées,
voudroit-on faire la guerre ? Ce n’est point exalter l’authorité du
Roy que de traduire des accusez d’vn Parlement à des Commissaires,
n’y d’en choisir pour faire leurs procez ; ç’a esté pour establir celle


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