Le Solitaire [signé] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1649], ADVIS D’ESTAT A LA REYNE, Sur le gouuernement de sa Regence. , françaisRéférence RIM : M0_498. Cote locale : A_2_16.
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& bonté n’y apporte bien tost le remede, vient de la dissipation
prodigieuse des Finances, dont il y a eu des sommes immenses
maniées par Cantarini Banquier ordinaire du Cardinal Mazarin,
& Italien comme luy ; les papiers duquel font foy, qu’il en a disposé
iusques à vingt-sept millions de liures portez en dépense pour les
affaires de V. M. & autres sept millions, dont le Cardinal a disposé,
& les a fait passer en Italie. Chose inoüye, & desordre abominable,
qu’vn estranger qui n’a presté aucun serment au Roy ny à ses Officiers,
ait la disposition de ses finances. Ce qui ne peut auoir esté fait
que par la collusion du sieur d’Emery, qui outre ce desordre en a
continué encore vn autre depuis quelques années, mettant les Tailles
en party, & donnant vn benefice de remise excessiue au Partisan
son associé ; lequel sous le pretexte d’auances imaginaires, a encore
exigé des interests & vsures si exorbitantes, que les Finances qui reuiennent
liquides dans les coffres de V. M. ont esté reduites de cent
à cinquante-cinq tout au plus, le Partizan ayant gagné quarante-cinq
& plus pour cent. Ce desordre introduit lors que les Tailles
ont esté mises en party a ruiné les villes & la campagne, dautant
que les Intendans, la pluspart pensionnaires des Maltostiers, &
leurs Secretaires Greffiers des commissions ont exigé, sous pretexte
des frais & de dépenses, des sommes peu moindres que la Taille, &
les compagnies de Fuzeliers ont desolé & deserté la campagne. Ainsi
les subjets de V. M. reduits à la derniere misere, sont hors d’estat de
pouuoir vous secourir, & en mesme temps les plus clairs & liquides
deniers de vostre Espargue sont consumez par les vsures des Partisans.
Il se presente icy aux yeux de toute la France vn monstre prodigieux.
D’Emery, pour se garentir de la recherche & punition de
ses crimes de peculat & dissipation des finances, a fait ses complices
les principaux de la Cour, qui allechez par le gain de quinze pour
cent par an ( & pour vser des termes d’vn Courtisan vsurier, de trente
pour cent à ceux qui approchent les Dieux, c’est à dire les Ministres)
se sont laschement & vilement abandonnez à cét infame crime d’vsure.
L’on ne doit pas s’estonner si plusieurs harpies de la Cour, gens
éleuez de la boüe & de la lie du peuple, commettent des actions conuenables
& proportionnées à leur extraction ; mais qui peut voir, sans
s’estonner & sans gemir, que ceux que leur naissance deuroit esleuer
à des pensées nobles & genereuses, prostituent leur noblesse & leur


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