Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.
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Cardinal, ou par la force au passage des riuieres, ou par la fermeté de ses
Conseils, en se rendant à Poictiers aupres du Roy : la flatterie de quelques
Courtisans inseressez a fortifié & fortifie encore aujourd’huy par vn crime
detestable & contre leur propre conscience. l’esprit de la Reyne à conseruer
ce Ministre fatal à la France, malgré les vœux de toute la France : & en fin la
Reyne par vne fausse persuasion de maintenir l’authorité du Roy son fils, met
en proye le Royaume du Roy son fils, & ces conquestes qui nous ont cousté
tant de sang & de millions, en abandonnant les vns à l’inuasion de nos ennemis,
& en abandonnant l’autre à la fureur des armes estrangeres, & à la rage
des nostres propres.

 

C’est icy où j’auouë que les paroles me manquent, & Dieu me garde de
les esgaler à mon sujet. Il faudroit estre vn Demon pour pouuoir auec vn
charbon tiré de l’enfer, faire vn crayon qui fut capable de representer toutes
les horreurs, toutes les inhumanitez, tous les meurtres, tous les violemens,
toutes les impietez, & tous les sacrileges que commettent toutes ces
armees, qui ne sont plus composées d’hommes, mais de Demons. Et quand
ie ne serois pas. Chrestien, & par consequent tres-persuadé des chastimens
espouuantables de l’autre vie, il me suffiroit de croire vn Dieu, pour ne
pouuoit douter, que rien ne l’empesche d’exterminer tous ces tygres impitoyables
& ces scelerats d’vne maniere terrible, que par ce que des crimes si
monstrueux ne sçauroient estre punis que par des supplices eternels.

Que tous ceux qui ont contribué à cette guerre, qui la fomentent, qui la
soustiennent ; & qui pouuant empescher les desordres abominables qu’elle
cause ne le font pas, iugent donc, s’ils croyent vn Dieu, quels chastimens
ils doiuent attendre de fa Iustice.

Que le Cardinal Mazarin qui est le sujet de cette sanglante tragedie, &
pour lequel ie proteste sur mon salut n’auoir ny auersion ny hayne
particuliere, non plus que contre aucun de tous ceux dont ie parle dans ce
discours, ne croye pas mal employer vne heure de temps, pour faire
vne reflexion serieuse du compte qu’il luy faudra rendre vn iour deuant le
Tribunal redoutable de Iesus-Christ (ce qui sera peut-estre plustost qu’il ne
pense) & ce qu’il pourra respondre lors que ce nombre innombrable de
pauures, vefues, d’orphelins, de femmes, de filles, & de Vierges consacrees
à Dieu, auec vne voix mille & mille fois plus forte que celle du sang
d’Abel, l’accuseront d’estre la principale cause de leur ruine totalle, de la
mort cruelle de leurs maris, de la fin tragyque de leurs peres, & de la perte
irreparable de leur honneur : lors que tant de Prestres l’accuseront d’auoir
esté cause qu’ils ont esté arrachez du pied des Autels, chassez de leurs Eglises,
pillez, massacrez, ou rendus errans & vagabonds, & reduits auec tout
ce pauure peuple que Dieu auoit sousmis à leur conduite, à mener vne vie si
deplorable qu’ils s’estimeroient heureux de la finir en se donnant la mort, si
les loix du Christianisme le pouuoient permettre : & enfin lors que le sang
de I. C. l’accusera, qu’il a esté cause qu’on l’a traitté d’vne maniere dont
l’horreur faisant glacer le mien dans mes veines, ne me permet pas de representer
les sacrileges plus que diaboliques.

Mais quand le Cardinal ne seroit pas Chrestien comme il est ; quand il ne
seroit point touché de l’apprehension des iugements de Dieu, peut-il bien
vouloir passer pour coupable aux yeux de tout l’Europe & de tous les siecles â



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