Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 10 --

de sortir de France dans quinze iours, lors que le siege d’Estampes seroit leué
il prit le party qu’il auroit fallu auoir perdu l’esprit pour ne pas prendre, qui
estoit de ne point hazarder vn combat, parce que s’il eust esté des-auantageux,
comme il y auoit grande apparence, il eust perdu en perdant son armee
la seule chose qui le rend considerable, n’ayant plus ny Estat ny Places :
& que s’il l’eust gagné ce n’auroit pû estre qu’auec vne si grande perte, que
ce qui luy seroit resté de troupes dans vn pays estranger (pour ne pas dire
ennemy, puis que la folie de Paris a esté telle que de le receuoir auec des
acclamotions publiquiques, lors que son armee desoloit ses campagnes auec
des cruautez imaginables) le rendoit si peu consideré de ceux mesmes, pour
lesquelles il auroit hazardé toute sa fortune, qu’ils luy auroient donné la
loy, apres ses auoir tirez de l’estat où ils estoient de ne pouuoir éuiter de li
receuoir du Roy leur Maistre.

 

La retraitte du Duc de Lorraine, l’arriuee du Mareschal de la Ferté aupres
du Roy auec quatre mil hommes, & la foiblesse des troupes des Princes augmentant
le desir & l’impatience de M. le Prince de voir son traitté auec le
Cardinal executé, il accorde de tout son cœur qu’il demeure. Mais M. le
Duc d’Orleans insiste à vouloir qu’il s’en aille, & ne veut point s’engager
par escrit à consentir qu’il reuienne dans quelque temps. Le Cardinal au
contraire croyant que l’estat des choses luy est fauorable s’opiniastre à ne
point s’esloigner du tout : La Reyne fortifie le Roy dans ce sentiment : Leurs
Majestez viennent de Melun à S. Denys auec toute l’armée, & on fait vn
pont de bateaux sur la Seine, ce qui donna l’alarme aux trouppes des Princes
qui estoient à S. Cloud & à Poissy.

Cetse approche du Roy faisant apprehender à M. le Prince que les seruiteurs
da sa Majesté dans le Parlement ne reprissent cœur, il ne fut pas fasché
que pour les intimider, on les mal traittast comme on fit au sortir de la grãd’Chambre :
Et Monsienr de Beaufort ce grand Heros, autrefois l’Idole de
Paris, joüant plustost le personnage d’vn Brasseur de biere & d’vn Arteuelle
que non pas celuy d’vn Prince, commanda aux coquins qui auoient fait toute
cette émeute de se trouuer l’apresdinée à la place Royale, où s’estans rendus
au nombre de 3. ou 4. mille, il les alla haranguer auec son eloquence ordinaire,
qui luy reüssit si bien, qu’ils ne manquerent pas le lendemain au sortir de
l’assemblée du Parlement de faire de si belles descharges sur des Presidens au
Mortier & des Conseillers, qu’ils en rendirent quelques vns vaillans malgré
eux pour se sauuer, & apprirent aux autres qu’on peut courir autant de fortune
au milieu des ruës de Paris, que dans vne grande bataille.

Voila sincerement & en peu de mots l’estat des affaires jusqu’à la fin de
Iuin 1652. que i’escris cecy, & les principales causes de nos malheurs. La dissipation
& les maluersations des Finãces : la mauuaise conduite & la foiblesse
du Cardinal Mazarin : les cabales & les intrigues du Cardinal de Rets : les
entreprises & les attentats du Parlement ont fourny de sujet & de moyens
pour commencer à ébranler l’authorité Royale qui est la baze & le fondement
de l’Estat : l’ambition effrenée de M. le Prince a joint vne guerre ciuile
à vne guerre estrangere : la trop grande facilité, pour ne pas dire le manque
de vigueur de M. le Duc d’Orleans, a perdu les occasions d’esteindre ce feu
dans sa naissance, soit en empeschant M. le Prince de prendre les armes, ou
en se declarant son ennemy s’il les prenoit ; soit en s’opposant au retour du



page précédent(e)

page suivant(e)