Faure,? [?] = Arnauld d'Andilly, Robert [?] [1652], LA VERITE TOVTE NVË, OV ADVIS SINCERE & des-interessé, sur les veritables causes des maux de l’Estat, & les moyens d’y apporter le remede. , françaisRéférence RIM : M0_4007. Cote locale : B_17_13.
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belle maison pour vn particulier, ayant esté la seule que ce grand Prince ait
bastie durant tout son regne. On a veu vn Bullion, ce monstre d’inhumanité,
d’impudicité, & d’auarice, voller auec la mesme hardiesse, que d’autres
ménageroient l’argent du public, & laisser des biens si prodigieux non seulement
en argent, mais en fonds, que ce grand nombre de terres, qui pourroient
toutes ensemble composer vne prouince, sont des marques toûjours
subsistantes & toûjours visibles de la verité de ce que plusieurs personnes sçauent,
que ce redoutable Ministre qui s’estoit rendu le maistre de son maistre
disoit, qu’il auoit toûjours dans sa boiste de quoy faire pendre ce Sur-Intendant,
afin de le tenir sans cesse dans vne dependance absoluë & vne obeїssance
aueugle. On a veu comme des Harpies subalternes nées pour la ruyne du
peuple, vn Cornuel, qui estoit l’ame de Bullion : ce qui est tout dire en vn mot
pour exprimer sa vertu & sa probité. Vn Bordier, qui tirant son illustre naissance
d’vn Chandelier de Paris, a despensé plus de trois cens mil escus à babir
sa maison du Rincé par vne insolence sans exemple ; mais qui meriteroit
pour l’exemple qu’on le logeast à Mon-faucon qui en est tout proche. Vn
Galland, qui estant fils d’vn paysan de Chasteau-Landon s’est fait si riche en
peu d’années, qu’vn President au Mortier n’a point eu de honte d’espouser sa
vefve. Vn Lambert fils d’vn Procureur des Comptes, qui portant encore
plus dans le cœur que sur le visage le caractere d’vn Iuif, à laissé quatre millions
cinq cens mil liures de bien, dont le President Viole ce bon François,
& ce fidelle seruiteur du Roy, a eu pour sa part plus de quatre cens mil liures.
Vn le Camus, qui estant venu de rien & ayant au moins dix enfans, a
laissé au moins vn million de liures à chacun. Vn Bretonuilliers, qui n’estant
autresfois qu’vn simble Receueur general des Finances de Limoges, a gagné
tant de millions, qu’estant assez bon homme d’ailleurs, il en auoit honte luy-mesme.
Vn de Bordeaux, qui pour n’en auoir pas du tout tant ne doit pas
estre accusé de negligence, puis qu’il a toûjours esté beaucoup plus ardent
& plus hardy que luy pour en acquerir : Et vn Tubeuf, qui de petit Commis
du Mareschal Desfiat est deuenu en peu d’années Intendant des Finances,
President des Comptes, & aussi riche qu’il est grand joüeur. Ie serois trop
long si ie voulois nonmmer tous ceux qui ont fait comme en vn moment tant
de fortunes prodigieuses, & ce grand nombre de Partisans & de Traittans
sortis de la lie du peuple, dont les noms n’ont esté connus que par la somptuosité
de leurs festins, le luxe de leur train & de leurs meubles, la magnificence
de leurs bastimens & les cris qu’ont poussez iusques au Ciel, les aisez
là plus part mal-aisez, dont ils ont rauy le bien, & tant de pauures officiers
qu’ils ne se sont pas contentez de priuer entierement de leurs gages par des
taxes continuelles : mais qu’ils ont mesme reduits à s’enfuyr & à se cacher
pour conseruer leur liberté, en les voulant contraindre par vne barbarie
inimaginable, de payer sur leur autre bien encore d’autres taxes, qu’ils ne
pouuoient prendre sur leurs gages, par ce qu’ils n’en jouїssent plus.

 

Voila au vray en quel estat estoient les Finances lors de la mort du feu Roy
Voyons maintenant de quelle sorte elles ont esté depuis administrees. On ne
sçauroit sans injustice accuser la Reyne d’auoir eu dessein d’amasser de grands
tresors durant sa Regence, puis qu’au contraire chacun sçait qu’elle doibt
beaucoup, & qu’elle n’a pû acheuer l’Eglise du Val de Grace, qui est le seul
bastiment qu’elle a entrepris. Mais le Card. Mazarin estant entré auec vne



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