Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS. A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ. , français, latinRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : A_5_29.
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& d’intelligence auec nos ennemis : Ie diray encor d’attentat
à vostre reputation, & à vostre personne. L’on auoit eu mesme
opinion du voyage de V. A. en Catalogne, où l’on sçait que vous
futes abandonné, & que l’on ne vous enuoya rien de tout ce qui
estoit necessaire, mesmes pour y soutenir l’effort que fit l’Espagne,
& que la seule presence du Prince de Condé y maintint nos
affaires, & y occupa les forces destinées pour opposer à la reuolte
de Naples si mal mesnagée de nostre costé.

 

C’est peut-estre la principale raison qui nous a émeu contre la
domination tyrannique de Iule Mazarin. Apres qu’il eut epuisé
presque tout le Royaume de ses finances, l’on n’apprehenda pas
sans raison, qu’il ne le priuast enfin de ce qu’il auoit de plus precieux,
& qu’il ne precipitast V. A. dans vn dernier peril où vostre
valeur succombast souz la force des ennemis, par les artifices parricides
de ce traistre Sicilien.

N’ayant pû vous perdre, & continuant ses pernicieux desseins
sur cet Estat, il a voulu vous gaigner ; de crainte que celuy qui auoit
prodigué sa vie pour la France, ne la voulust encor hazarder
pour la deliurer de son oppression. Il estoit asseuré de la facilité
de M. le Duc d’Orleans par le moyen d’vn valet qui le gouuerne,
& qui estouffe dans le point de leur production tous les bons desirs
de S. A. R. & vous estiez le dernier but de sa politique. Toute
l’Europe ne s’estonnera pas sans suiet qu’vn acheteur si mercenaire
& si auare, ait pû s’acqnerir vne personne si importante, dans
vne saison si contraire, & sur le point de sa ruine.

Vous deuiez estre alors le plus offensé, il venoit de liurer aux ennemis
vne des principales conquestes de V. A. il marchandoit auec
eux pour la derniere : il ostoit cette recompense à vn Seigneur de
marque, digne d’vn plus grand employ, & mettoit dedans Ypre la
mesme creature qui auoit perdu Courtray, & à qui nos loix deuoient
faire perdre la teste. Bref, comme s’il se fust ouuertement
declaré jaloux & ennemy de vostre gloire, & de vostre reputation,
il voulut troubler impudemment les benedictions publiques que
l’on vous donnoit, & la réjouyssance qu’on témoignoit du gain
de vostre derniere bataille, par l’emprisonnement de deux Magistrats,
& nous voulut faire connoistre que vous n’auiez vaincu
que la France, ny combattu que pour l’affermissement de sa tyrannie.

L’enormité d’vne si estrange action esmut les plus tiedes des



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