Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS. A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ. , français, latinRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : E_1_66.
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qu’obtinrent les Cypriots que les Iuifs auoient mis à feu
& à sang souz l’Empire de Trajan. Il fut defendu à tout Iuif de
mettre le pied dans leur isle, à peine de la vie, & l’on n’exẽpta pas
de la rigueur de cette loy les exilez & les amis des Romains, &
non pas mesmes ceux qui y abotderoient par la contrainte des
vents, où que la tempeste y auroit iettez.

 

Dyen. Cass. in
ea insula duce
Artemcone
censtirantes
Iucæi circiter,
centum
& quad agintà
capitum
millia trueidarunt.
Qua
facts atrocuate,
Iudæus de
cætero
legibus
& penis Cyprum
attingere
prohibetur,
si vel vt
tempestatis,
vel per errorem
illuc delatus
fuerit,
ceu capite
damnatus,
statim morse
mulctatur ;

Ce Sicilien icy s’est voulu exempter du crime de sa patrie par
de plaisantes attestations, qu’il estoit d’vne race de vieille faction
Angeuine, ou Françoise, & il eut bien mieux fait de la renier comme
vne marastre qui ne luy auoit donné aucun bien, & de se dire
Bourgeois de l’Vniuers, & fils de la terre comme les Cyclopes
ses compatriotes, que d’attribuer à ses ayeux tout ce qui s’est pû
faire de notable par les habitans de Mazarini en Sicile, dont les
Seigneurs & Comtes que i’ay veus, & qui se surnomment Branciforté
le desaduouënt de l’affinité qu’il a voulu faire auec eux,
comme encor le defunct Magalotti Mareschal de camp, tué deuant
la Motte, qui a nié en ma presence qu’il fust son parent, auec
tant d’auersion pour cette proximité, qu’il disoit mesmes qu’il aimeroit
mieux n’estre pas son amy, s’il falloit estre l’vn & l’autre
ensemble.

Si la generosité Françoise vous empesche de consentir qu’il
porte la peine de la barbarie de son pays par reprezailles, comme
estant le premier que nous ayons trouué en France, n’empeschez
pas qu’il ne soit puny de ses crimes personnels, qui sont la ruine
de la mesme France, & l’intelligence qu’il a auec nostre ancien
ennemy, son Prince naturel : du moins vueillez estre son Iuge auec
le Parlement, & ne croyez pas qu’il soit plus honorable à V. A.
de l’auoir protegé contre la Iustice, & contre le ressentiment general
de tout le Royaume. Aymez-vous mieux conseruer sa
personne, que vostre honneur & l’amour des peuples, & vouléz-vous
qu’il échappe auec ce suiet de vanité, que des Princes qui
ont d’autant plus de suiet de le haïr, qu’ils ont part à l’estat qu’il a
pillé, se soient exposez & opposez pour sa defense.

Serons nous tousiours si mal-heureux que de voir vostre Altesse
dans des hazars continuels par ses menées. Il ne vous a fait
combattre que pour vous perdre, & ce pernicieux dessein n’aura-il
esté sans effet que pour vous conseruer pour luy mesme, contre
vn peuple qui seul a prié Dieu pour vostre conseruation. Iettez les
yeux sur la justice de sa Requeste, considerez vostre condition,



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