Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS, A MONSEIGNEVR le Prince de Condé. , françaisRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : D_2_13.
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Si vostre Altesse daignoit jetter les yeux sur l’Estat miserable ou
elle se voit reduite par l’opression de sa guerre intestine que luy ont
fait de puis la Regence tant de corbeaux espars dans les Provinces,
creatures & émissaires de Mazarin, qui l’ont déuoré jusques aux intestins :
il est sans doute que vous aurez horreur de son miserable
cadaure si rongé en toutes ses parties. Songez que c’est le patrimoine
de vos ayeuls, & qu’il pourra estre celuy de vostre posterité, &
considerez que la Reyne, Monseigneur le Duc d’Orleans & vous,
joüez l’heritage de vos enfans cõtre vn infame filou, qui vous joüe
luy mesme, & qui hazarde pour la plus abominable teste du monde,
vos personnes, vos biens, & vostre honneur.

Il a tousiours vescu & joüé aux despẽs d’autruy, comme celuy qui
n’estoit ne que pour la perte du public. La fortune accoucha de ce
mostre adulterin pendant son diuorce auec la vertu, & elle ne la
promené vagabondant par tant d’Estats, que pour donner vn vain
esclat à sa puissance. Ie connois son pays, & la Sicile mesme qui ne
l’auoüe que pour nostre honte, m’a fait scauoir son origine chez vn
Cabarettier de ses parens en la Ville de Palerme, à mon retour de
Malte, i’y sçeus la banqueroute de son Pere qui estoit Chapelier &
Boutonnier de son mestier, & comme il se retira à Rome où le P.
Iusio Mazarini Iesuitte son frere le mit en condition : Il y vola beaucoup
pour amasser vn peu de bien : il y maria quelques filles, & mit
son fils auprés du Connestable Colone. Delà il passa au seruices du
Cardinal Antonio Barberin, & ny eut pas le rang que l’on eust donné
à celui que l’on eut creu deuoir vn iour pretendre de s’allier auec
cete maison. Il s’y signala par les débauches, & fut l’intendant des
plaisirs des honnestes de la Cour Romaine.

Ce fut luy qui donna Conseil au Cardinal Antonio de se defaire
d’vn Neueu du Pape d’aujourd’huy qu’il auoit esloigné de ses bonnes
graces. Il fut mal traité a coups de bastons, & craignant iustement
le dernier effect de la haine Italienne, il ne put pas mesmes éuiter
la mort dans l’armée de l’Empereur, où il fut assassiné par le
ministere de Mazarin : qui suiuant la bonne coustume de son pays
ne pouuoit souffrir viuant aucun de tous ses ennemis, particuliérement
celui-cy, qui estoit autant braue qu’il estoit lasche & poltron.

C’est le suiet de son inimitié mortelle contre le Pape, & de l’exclusion



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