Anonyme [1649], LETTRE DV CHEVALIER GEORGES DE PARIS, A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ. , français, latinRéférence RIM : M0_2099. Cote locale : E_1_65.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 7 --

particulierement celuy-cy, qui estoit autant braue qu’il
estoit lasche & poltron. C’est le sujet de son inimitié mortelle
contre le Pape, & de l’exclusion qu’il fit donner par l’Ambassadeur
de France pour l’eslection de sa Saincteté. Depuis il continua dans
le libertinage, & donna au jeu & aux intrigues le reste de son
temps. C’est ce qui le fit connoistre, & qui le fit rebuter du seruice
d’Espagne par les Ministres du Roy Catholique, qui ne trouuoient
en luy ny vertu, ny sincerité, ny capacité, pour seruir dans
les emplois qu’il briguoit.

 

Il prit par despit le party de France, & ceux qui ont escrit de la
Paix de Cazal, l’ont assez mal à propos loüé pour luy complaire,
de ce qu’il y eut du bon-heur. La fortune qui le conduisoit aueuglément
dans le piege où il doit perir, luy prepara cette entrée en
France, où il fut bien receu du Cardinal de Richelieu, qui ne pût
mieux faire veoir qu’il s’estimoit au dessus de sa pourpre, que d’en
reuestir son valet. Ie l’appelle valet, car tout Paris sçait comme il
vesquit, & ceux de la Chambre du Cardinal de Richelieu, luy faisoient
present de ses vieilles hardes pour le r’abiller, iusques à des
souliers, & des vieux gands. Il doit encor son chappeau à l’auersion,
que le mesme Cardinal auoit contre ceux de nos Euesques
qui le pouuoient meriter : Le sieur de Chauigny Secretaire d’Estat,
dans l’employ des affaires estrangeres, qui l’auoit pris en affection,
& qui le receuoit tous les iours à sa table, y apporta des
soins extraordinaires, dont nous auons veu la recompense dans la
Regence d’auiourd’huy, que l’on peut appeller l’interregne des
François, & l’Empire du Sicilien.

L’histoire ne perdra rien de la plainte de tous les peuples qu’il
a fait gemir dedans & dehors le Royaume, par la guerre qu’il a
continuée pour affermir son authorité, & Vostre Altesse en entendra
parler toutes les Nations, qui ne pourront que vous blasmer
de l’auoir voulu arracher des mains de la Iustice, & de luy
auoir voulu liurer la Iustice mesmes, pour esteindre ce petit reste
de la splendeur de nostre ancienne Monarchie, que la tyrannie n’a
pû offusquer.

Seroit-il bien possible que vous eussiez ignoré qu’il a fait ses efforts
pour entrer au seruice de M. le Duc d’Orleans, & pour oster
à la Royne, & à M. le Prince, pere de V. A. la part que le feu Roy
leur auoit donnée à la Regence du Royaume. Ce fut vn valet à
louër l’espace de quelque temps, tout le monde l’auoit en horreur,



page précédent(e)

page suivant(e)