Anonyme [1649], DECISION DE LA QVESTION DV TEMPS. A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_871. Cote locale : E_1_127.
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Majesté, Madame, qui est de ceux que Dieu demande pour soy dans
l’Escriture, c’est à dire de chair, non pas de bronze, ou de diamant,
en a esté touché. Les larmes publiques ont esté accompagnées des
vostres. Vos souspirs par vn Echo sacré, ont respondu à ceux de tout
le peuple ; V. M. a fait tout ce qu’elle pouuoit, pour le soulagement
des miserables dans la conjoncture pressante des affaires : elle a fait
vne Declaration, qui portoit quelque relasche à tant de souffrances ;
On l’a receuë cõme venant de la main de Dieu, on en a fait des feux
de ioye, & chanté des Te Deum, d’actions de graces. Mais en mesme
temps, ô malheur ! ceux qui abusent du nom du Roy & de vostre authorité,
ont changé nos ioyes en larmes, & nos Cantiques en gemissemens.
La premiere Declaration estoit encore moitte de l’impression,
qu’on en à veu vne seconde, qui reduisoit les choses en pire estat
qu’elles n’estoient auparauant, qui remettant les Tailles en party,
remettoit le peuple sous la barbarie des Partisans ; qui renouuellant
les prests auec vne nouuelle methode, establissoit vne nouuelle sorte
d’vsure, infame & tyrannique, inouye iusqu’à present, contraire à
l’Euangile, à l’vsage de l’Eglise & à ses Canons : & pour vne saignée
du bras que l’on faisoit auparauant au peuple, donnoit la liberté à
ces voleurs publics, de leur couper auec impunité la veine ingulaire.

 

Ah ! Madame ! ah Madame, que ie dirois de grandes choses à
vostre Majesté, si i’osois rappeler le passé, sans crainte de luy blesser
le cœur. Qu’il y a long temps que les François auroient eu iuste sujet
de se sousleuer, & qu’ils l’auroient pû, ne manquant point de
cœur, ny de forces pour se maintenir, s’ils estoient Machiauelistes,
& pour dire tout, s’ils estoient Italiens & non point François. Ie demanderois
à vostre Majesté, quels sentimens elle auoit de l’estat des
peuples, sous la conduite du Cardinal de Richelieu, du viuant du
feu Roy ? Ie la supplierois de rappeler, sa memoire, pour se souuenir
combien de fois elle en a pleuré ? & iugeant des miseres, dont
le peuple estoit opprimé, parce qu’elle souffroit en sa personne propre,
n’estimoit-elle pas la condition des François, plus dure &
moins supportable que celle des esclaues ? Et neantmoins, Madame,
i’ose dire à vostre Majesté, que ce n’estoit que l’ombre de ce dont à
present nous voyons la verité. Ce n’estoit que la peinture, de ce
dont la realité fait dans nos iours horreur au Ciel & à la terre. Et ce
qui est plus estrange durant la regence d’vne Princesse, de vertu



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