Anonyme [1649], DECISION DE LA QVESTION DV TEMPS. A LA REYNE REGENTE. , françaisRéférence RIM : M0_871. Cote locale : C_7_3.
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vostre Majesté, Madame, qui est de ceux que Dieu demande pour
soy dans l’Escriture, c’est à dire de chair, non pas de bronze, ou de
diamant, en a esté touché. Les larmes publiques ont esté accompagnées
des vostres. Vos soûpirs par en Echo sacré, ont respondu
à ceux de tout le peuple ; vostre Majesté a fait tout ce qu’elle pouuoit
pour le soulagement des miserables dans la conjoncture pressante
des affaires : elle a fait vne Declaration, qui portoit quelque
relache à tant de souffrances : On l’a receuë comme venant de la
main de Dieu ; on a fait des feux de joye, & chantẽ des Te Deum
d’actions de graces. Mais en mesme temps, ô malheur ! ceux qui
abusent du Nom du Roy & de vostre authorité, ont changé nos<lb/> joyes en larmes, & nos Cantiques en gemissemens. La premiere
Declaration estoit encore moite de l’impression, qu’on en a veu
vne seconde, qui reduisoit les choses en pire estat qu’elles n’estoiẽt
auparauant ; qui remettant les Tailles en party, remettoit le peuple
sous la barbarie des Partisans ; qui renouuellant les prests auec vne
nouuelle methode, establissoit vne nouuelle sorte d’vsure, infame
& tyrannique, inoüye jusqu’à present ; contraire à l’Euangile, à
l’vsage de l’Eglise, & à ses Canons : & pour vne saignée du bras
que l’on faisoit auparauant au peuple, donnoit la liberté à ces
voleurs publics, de leur couper auec impunité la veine jugulaire.

 

Ah ! Madame ! ah Madame, que je dirois de grandes choses à
vostre Majesté, si j’osois rappeler le passé, sans crainte de luy blesser
le cœur. Qu’il y a long-temps que les François auroient eu juste
sujet de se soûleuer, & qu’ils l’auroient pû, ne manquant point de
cœur, ny de forces pour se maintenir, s’ils estoient Machiauelistes ;
Et pour dire tout, s’ils estoient Italiens & non point François, je demanderois
à vostre Majesté, quels sentimens elle auoit de l’estat
des peuples, sous la conduite du Cardinal de Richelieu, du viuant
du feu Roy ? Ie la supplierois de rappeler sa memoire, pour se souuenir
combien de fois elle en a pleuré ? & jugeant des miseres, dont
le peuple estoit opprimé, par ce qu’elle souffroit en sa personne
propre, n’estimoit-elle pas la condition des François, plus dure &
moins suportable que celle des esclaues ? Et neantmoins, Madame,
j’ose dire à vostre Majesté, que ce n’estoit que l’ombre de ce dont
à present nous voyons la verité. Ce n’estoit que la peinture de ce
dont la realité fait dans nos jours horreur au Ciel & à la terre. Et
ce qui est plus estrange durant la regence d’vne Princesse, de vertu



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