Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], L’ENFER BVRLESQVE, OV LE SIXIESME DE L’ENEIDE TRAVESTIE, ET DEDIÉE A MADAMOISELLE DE CHEVREVSE. Le tout accommodé à l’Histoire du Temps. , françaisRéférence RIM : M0_1216. Cote locale : C_4_3.
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C’est vn Roy qui Numa se nomme,
Qui le premier fera dans Rome
Lire le Code & le Cuias,
Gouuernant en paix ses Estats :
Et qui venu du Bailliage
De Cures, vn chetif village,
Mettra dans Rome vn Parlement,
Pour iuger souuerainement.
L’autre ce grand traisneur de brette,
Nous fera sonner la trompette,
C’est Tullus qui nous vient broüiller ;
Ce Roy hastera bien d’aller,
Le peuple deuenu molasse,
Dieux comme il donnera la chasse
A Messieurs les enfarinez ?
Que i’en voy desia d’échinez ?
Et que l’effect de ses conquestes,
Fera mettre à bas de ces testes ?
L’autre le plus prés est Ancus,
Qui pour n’en auoir tant vaincus,
Ne voudra pas moins qu’on le traitte,
Comme vn grãd casseur de raquette.
Mais de ces Messieurs les fendans,
Belle pochette, & rien dedans :
Il aimera la voix publique,
Ie le vois desia qui s’applique,
Aux moyens d’estre dorlotté,
D’estre loüé, d’estre flatté,
Et que cela le fera rire,
Lors que quelqu’vn luy dira Sire.

 

 


Voulez-vous voir les deux Tarquins ?
Et le bedeau de ces faquins,
Brutus qui les mit à la porte,
Qui leur sceptre à Rome rapporte,
Ce vangeur de nos libertez,
Lors que les Roys seront flutez ;
Ce premier fleau des Monarques,
De Consul portera les marques,
Ce Brutus destructeur des Rois,
L’inébranlable appuy des loix,
Donnera credit au Digeste,
Et dans vn rencontre funeste,
Iuge de ses deux propres fils,
Atteins d’auoir formé partis,
Il souffrira qu’on les immolle,
Pour son cher pays à Barthole ;
Pauures enfans que ie plains fort,
D’auoir pour pere vn esprit fort.

 

 


Voulez-vous voir les deux Decies,
Qui creueront comme vessies.
Ie vois passer les deux Drusus,
Et leurs ennemis décousus.
Voulez-vous encore vn Stoïque,
Qui fera pour la Republique,
Nommer vn de Messieurs ses fils,
Ambassadeur en ce pays ?
C’est Torquat qui dans vn vacarme,
Où son fils aura pris vne arme,
Signera de ses propres mains,
Qu’il n’a pour fils que les Romains,
Pauure enfant, funeste peinture,
Où l’on poignarde la nature,
Diable i’enuoy rois bien au grat,
Vn pere fait comme Torquat.

 

 


Tenez, regardez bien Camille,
Il sera plus braue que mille,
Les François par quelque hazard,
Luy pourront prendre vn estendart,
Mais ie voy ce cœur tout de flame,
Le rapporter de nostre Dame.

 

 


Ces deux esprits deuant vos yeux,
Portans mesmes armes tous deux,
Icy comme larrons en foire,
S’entendent, mais qui pourra croire,
Que dés qu’au monde ils seront mis,
Ce seront deux grands ennemis ?
S’ils ne se font icy malice,
C’est qu’on y rend bonne Iustice,
Et sur ma foy ie sçay d’vn tel,
Qu’ils se sont desia fait appel,
Pour se harper en l’autre vie,
Et qu’ils en ont tres grande enuie :
Mon cher fils nous sommes certains,
Qu’estans nez vn de ces matins,
Ce ne sera pas vne guerre,
Mais vne boucherie en terre ;
L’vn des Alpes amenera,
Toutes les forces qu’il pourra,
Et contre son pere le gendre,
Tout l’Orient fera descendre :
Ie préuois les sanglants défis,
Du beau-pere contre le fils.

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