Laffemas, abbé Laurent de [?] [1649], LA GVERRE CIVILE En Vers Burlesques. , françaisRéférence RIM : M0_1522. Cote locale : D_2_33.
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Fut si plein d’enuie, & d’audace,
Que viuant en determiné
Il tua son frere puisné.
Et sçauez-vous bien la querelle
qui rompit l’amour naturelle
De ces freres qui sans delit
Pouuoient receuoir dans leur lit
Vne seur faute d’autre femme
Ce qui maintenant est infame ?
C’est que Caïn ce gros vilain
Dont l’esprit fut tousiours malin
Voyoit que d’Abel les oüailles
Estoient grasses comme des cailles,
Et celles de ce fier aspic
Auoient moins de graisse qu’vn pic ?
Tellement qu’vn iour ce prophane
Auec la machoire d’vn asne
A son frera cassa les dents
Il y a pres de six mil ans.
Il pourroit bien dire au Poëte,
Vrayement vous n’estes qu’vne beste,
Car contre qui pouuois-ie alors
Faire de barbares efforts,
Que contre mon père ou ma mere,
Il valoit mieux tuer mon frere.
Mais certes c’est vn argument
Digne d’vn mauuais garnement.
Car moy d’vne replique forte
Ie le confondrois de la forte.
Quoy meschant hay d’vn chacun
Il n’en faloit tuer pas vn.

 

 


Cependant Abel sans nul crime
A son frere sert de victime,
Et voila le commencement
De ces guerres sans fondement.
Si ie vous racontois en suite
Du fameux peuple Israëlite
Les seditions les rumeurs,
Effets de mauuaises humeurs
Et tout ce qu’en conte l’histoire
Que l’on est obligé de croire,
Ie vous serois pour le certain
Plus long que n’est vn iour sans pain,
Tels qu’auiourd’huy durant ce siege
Où l’on nous a tendu le piege
L’on voudroit nous faire souffrir,
Mais il faut noblement mourir.
Si ie feüilletois auec peine
L’histoire Grecque, & la Romaine
I’entends traduites en François
N’estant ny Latin ny Gregeois
Ie vous ferois voir de carnage
De brûlement, & de pillage
Plus entre freres, & cousins
Qu’entre les estrangers voysins,
A cause qu’entre les familles
L’on voit tousiours mille castilles
Vous sçauez comme il en alla
Entre Marius & Sylla,
Quand ils se renuoyoient les testes
Comme bales sur des raquestes.
Et que pour gagner de l’argent
Il ne falloit qu’estre sergent
Ou bourreau, car si dire on l’oze
C’estoit lors vne mesme chose,
Et mesme en ce siecle fameux
Ie croy que ce n’en sont pas deux.
Vous sçauez bien quels coups d’épée
Donnerent Cesar, & Pompée
Qui dans les champs Thessaliens
Mirent si bien la nape aux chiens.
Tout le monde sçait que d’Auguste
Le party n’estoit pas trop iuste
Quoy qu’il deffit les assassins
Tant Caualiers que fantassins.
Pour Antoine, & sa Cleopatre,
Se trouue-il d’acariastre
Qui n’ait quelque compassion
De leur fidelle affection ?
Ie les plains, Dieu me soit en aide
I’en iure par la Calprenede,
Ie plains le serieux Caron,
Et le bien-disant Ciceron
Morts de differente maniere :
L’vn tendit hors de sa litiere
Le col qu’vn pendart son client
Luy vint couper tout en riant,
Et l’autre d’vn cousteau sans gaine

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