Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDÉ, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin: Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : D_2_14.
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Vous sçauez que nous ne sommes pas sans enuieux & sans ialoux, qui fauorisez
de quelques exemples ne manqueront point de publier que c’est le
fruict de nostre mauuaise education pour les mœurs, & de nostre doctrine,
non seulement accommodante, mais dangereuse pour la seureté des
Roys, l’authorité des Magistrats, le repos des Peuples, & l’integrité du
commerce public.

 

De vous aussi, quel moindre iugement en pourroit-on faire, sinon que
degenerant à vostre naissance, & à la gloire de la race des Bourbons, vous
voulez par vn caprice inconceuable effacer de l’Histoire la memoire de vos
belles actions, pour vous rendre complice & compagnon du plus vil & du
plus infame de tous les hommes. Ne souffrez donc point que le iugement
que l’on doit faire de vostre conduite soit plus long-temps en suspend, à
vostre propre detriment & à celuy de tant de millions d’ames qui patissent
sous cette violence tyrannique. Ostez à ces Estrangers & Ennemis de l’Etat
cette folle persuasion & ce dernier refuge qui leur reste, que vous perdrez
la France & vous mesmes pour empescher qu’ils n’ayent ce qu’ils meritent.
Souuenez-vous de tant de genereux exploits en Flandres, en Allemagne,
en Catalogne ; de tant de Batailles gagnées & de Villes forcées, &
ne donnez pas lieu aux Histoires Estrangeres, quand les nostres par consideration
ne le voudroient pas faire, d’apprendre à la posterité, que vous
auez couronné tant de belles actions par la plus lasche de toutes celles, qui
peuuent partir d’vne personne de vostre condition : Et qu’apres auoit bien
fait du mal au Roy d’Espagne, en le dépoüillant de ses Villes & de ses Prouinces,
vous luy en auez fait la restitution au centuple, en tournant la force
de vos armes contre la France, afin de la luy liurer entre les mains, par
la desolation que vous y meditez, & que vous commencez auec ce malheureux ;
Qui voyant qu’il n’y a plus de lieu pour ses vols, ny de seureté
pour sa personne, veut la perdre auant que de partir ; où s’il ne peut eschaper
que par la mort, dresser vn Mausolée à ses cendres, des ruines de Paris
& du reste de l’Estat.

Quittez, Monseigneur, cet insolent auec ses pretentions barbares &
criminelles ! Traittez ce cerueau desmonté en habitant des Petites Maisons !
Riez vous des fumées de cette bile qui luy inspirent des resueries si
extrauagantes & si pernicieuses ! Saisissez-vous de cet Ennemy du Roy &
peste de son Estat, & le conduisant captif au derriere de vostre carosse,
quoy qu’il ne merite pas cet honneur, venez à Paris acheuer son procez
auec ces vertueux & sages Senateurs, & luy faire souffrir & à tous ses adherans,
les iustes peines deuës à leurs demerites, pour vn exemple eternel
aux Estrangers, aux orgueilleux, & aux mauuais François. C’est par vne
action si loüable, si genereuse & si sainte que vous meriterez les faueur du
Ciel, la gloire d’vn Prince du sang Royal, les loüanges de toutes les Nations,
les benedictions de toute l’Eglise, les congratulations de toute la
France, auec les prieres de toute nostre Congregation, & de tout le
monde.

FIN.



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