Brousse, Jacques [?] [1649], LETTRE D’VN RELIGIEVX, ENVOYÉE A MONSEIGNEVR LE PRINCE DE CONDE, à S. Germain en Laye. Contenant la verité de la vie & mœurs du Cardinal Mazarin. Auec exhortation audit Seigneur Prince d’abandonner son party. , françaisRéférence RIM : M0_1895. Cote locale : C_3_76.
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concierge & de Sergent ? Peut-on s’imaginer vn plus grand aueuglement : Et faut-il
[2 lettres ill.]uter que Dieu voyant la mesure de ses crimes à son comble, n’ayt permis qu’il l’ayt
[2 lettres ill.]chargée de ce dernier attentat, qui seul merite l’execration du Ciel & de la Terre,
afin d’en faire vn exemple de punition pour les siecles futurs, à tous ceux qu’vn orgueil
[2 lettres ill.]rieux comme le fien pourroit solliciter à des desseins si est ranges & si inutils.

 

Si vous n’estiez pas tout clair-voyant comme vous estes ; ou si vous auiez moins
[2 lettres ill.]experience de sa conduite & de ses actions que vous n’auez pas, ie vous dirois vne
partie de ce qu’il est, & ce qu’il a esté : & il seroit aisé d’en tirer la consequence certaine
& demonstratiue de ce qu’on se doit promettre d’vne personne de sa naissance & de
[illisible] temperament. Son origine n’est pas de ces Illustres & de ces Conquerans qui ont
esté autrefois la terreur de tout le monde, cependant que les Aigles Romains commandoient
à tout l’Vniuers. Sa noblesse n’est pas de plus vieille datte que les honneurs qu’il
a receus en France, sans les auoir meritez : Et quoy qu’il prenne les haches auec le
[1 lettre ill.]isceau de verges pour ses armes, il ne faut pas s’imaginer que ce soient celles qui seroient
de marque d’authorité aux anciens Senateurs de cette florissante Republique,
mais bien les haches dont son ayeul fendoit du bois, & les houssines dont son pere
foüettoit les cheuaux. Car on sçait que son ayeul estoit vn pauure Chappellier, Sicillien
de nation, qui eut la fortune si peu fauorable, qu’il fut contraint de faire banqueroute
& de quitter son pays. Son pere estant ieune & dans cette indigence, commen[1 lettre ill.]a
ses seruices à Rome dans vne Escurie à penser des cheuaux ; & peu apres s’auançant,
[1 mot ill.] Pouruoyeur & Maistre d’Hostel de la maison d’vne personne de condition : où
faisant valoir auec industrie les petits profits, qu’on appelle en France les tours du ba[illisible]ston,
il eut enfin dequoy payer en partie l’Office de Maître des Postes de Rome à Na[2 lettres ill.]le,
sa fortune estant encore si foible, que de deux enfans qu’il auoit, il fut contraint
d’en faire vn Iacobin, afin de soulager sa famille.

Cependant cet autre fils, qu’on appelloit Iules, estant encor ieune seruoit de lacquais
ou d’estafier, pour ne dire pas dans les plus honteuses & sales voluptez que le
Demon ait pû inuenter pour perdre les hommes, par la corruption & concupiscence
de, la chair. Tout Rome sçait ce qu’il estoit & le rang qu’il tenoit pour lors dans les
maison des Cardinaux Sachetti & Antonio. Chacun sçait aussi que son esprit formé
sous l’Astre de Mercure, & né au larcin & à la fourberie, ne s’employoit qu’à l’estude
de son inclination : Qu’il seit voyage à Venize & à Naples pour apprendre les piperies
qu’on pratique dans les ieux de hazard, dont il deuint maistre si parfait en peu de
temps, qu’on luy donnoit par excellence le nom de pipeur : Dequoy toute la Cour de
France sçait la verité, & plusieurs ont fait experience, à leur tres grand preiuce & de
toute leur famille. Mais pour passer sous silence toutes ces choses, qui feroient la matiere
d’vn gros volume, il suffit de considerer ce qui s’est passé en sa personne depuis
qu’il est en France, ce qu’il estoit au temps qu’il y est venu, ce qu’il y est, & qu’il y a
fait iusques à present. Lors de son arriuée, de petit postillon qu’il estoit, pour s’estre
signalé par vne fourbe, qui noircissoit & la conscience & l’honneur du Pape, & qui
fut comme l’allumette des flames, qui par la guerre deuorent la Chrestienté, n’osant
plus retourner à Rome, il fut recueilly par le Cardinal de Richelieu, qui le trouuant
d’vn esprit assez conforme au sien, & propre aux intrigues dont il auoit besoin pour la
conduitte des desseins desquels la vanité luy auoit remply le cerneau, l’employa aupres
de luy, luy donna plusieurs commissions pour tromper les vns & les autres, principalement
le Prince de Monaco ; Et outre les despenses de ses voyages, luy faisoit donner
tous les ans, vne pension notable par le Roy, sans parler de ce qu’il auoit sous main
en qualité d’espion. Mais par ce que tout cela n’estoit pas suffisant pour ses desseins,
& qu’estant fort adroit il sçauoit bien par où il falloit s’insinuer dans l’affection des



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