Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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passées pour les faire voir en leur nature : I’osteray le masque que le Cardinal
Mazarin leur donne, & dans tout mon discours par vne relation
naïfue & sincere, ie tascheray de vous exposer simplement ce qu’il faut
croire de ces choses que l’on vous dissimule, que l’on vous falsifie, que
l’on vous augmente, afin que les ayant bien cogneuës, vous qui estes si
judicieux & si penetrans, il vous soit aysé de juger ensuite qu’vne partie
de ces accusations est de nul poids, & ne merite pas vne serieuse reflexion :
Que les interests seuls ou les passions, l’ambition ou la hayne du Cardinal
Mazarin ont fait naistre les autres, qui n’ont aucun rapport auec l’Estat, &
qu’enfin celles qui sont de consequence, bien loin de regarder Monsieur
mon frere, sont les crimes de ce Ministre, que c’est luy qui en est seul coupable,
que c’est luy qu’il en faut punir.

 

L’on accuse en premier lieu Monsieur le Prince, d’auoir souhaitté de
soumettre la Franche-Comté pour s’en faire Souuerain. Voicy surquoy
cette imposture est fondée. Le Cardinal Mazarin ayant laissé perdre les affaires
du Royaume de Naples, en vn temps où vn foible secours en eust
fait vne Republique, lors que ces peuples furent remis sous le joug, &
que par sa faute, la domination d’Espagne se trouua d’autant mieux restablie,
que ses armes venoient d’estouffer les restes de la liberté, en fit proposer
la conqueste à Monsieur mon frere, s’imaginant que le desir de la
gloire qui le porte aux grandes choses, l’empescheroit de voir l’impossibilité
de ce dessein, dans lequel il ne pouuoit s’engager sans perdre la vie,
ou la reputation, ou du moins sans s’esloigner pour long-temps de France,
& luy laisser ainsi les moyens d’y fonder à son ayse les prodigieux establissemens
qu’il proiettoit. Monsieur mon frere voulant eluder sagement
vne proposition si ridicule & si fort à contre-temps respondit : Que quant
il y auroit quelque grand dessein à tenter, il vaudroit mieux songer à la
conqueste de la Franche-Comté qui nous estoit toute ouuerte, qui cousteroit
moins, qui estendoit nos Frontieres, qui honoroit les armes du
Roy, qu’à celle de Naples esloignée de tous nos Estats, capable d’épuiser
nos Finances, de perdre nos flottes, & de ruïner nos armées. Il ne s’est
rien passé de plus sur ce sujet, tout le dessein s’en est terminé dans des discours
de cette nature qui estoient generaux, qui ne regardoient pas le
bien de Monsieur le Prince, mais celuy de l’Estat ; qui faisoient voir l’incapacité
& la malice du Cardinal Mazarin. Ce qu’on y ajouste est controuué.

Cette autre Souueraineté des places de Flandres que nous auons au
bord de la mer, supposée encore auec autant de malice pour aigrir Monsieur
le Duc d’Orleans, est vn pur roman de la mesme inuention : du quel
on n’a iamais parlé, & qui n’est ny vray, ny vray semblable. Certes puisque
le Cardinal Mazarin s’estoit resolu à nous inuenter des crimes, au
moins pouuoit-il mieux les imaginer, & leur laisser assez d’apparence
pour tenir en doute, s’il ne pouuoit leur en donner assez pour persuader,



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