Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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liberalité de nos Roys a tousiours paru auec éclat ; Toutesfois le Cardinal
Mazarin fonde sur ce sujet vn pretexte d’ingratitude : il n’en auroit aucune
raison quant on auroit bien traitté Monsieur mon frere. Mais les
choses sont entierement contraires à ce qu’il aduance : & il n’y a icy nulle
comparaison auec les exemples que i’ay apportés, comme ce mauuais
Ministre a ruïné la discipline de nos Troupes en retenant l’argent qui
leur estoit destiné : Qu’il a ruïné les peuples que ces Troupes ont esté
contraintes de piller ; qu’il a ruïné les Gentilshommes qui les conduisent :
& qui se sont veus forcez de vendre & d’engager leur bien pour subsister
dans leurs charges : Aussi n’a-t’il pas mieux traitté Monsieur mon frere,
qui n’a point fait de Campagne, sans en soustenir de son propre bien les
dépenses prodigieuses. Ce ne seroit pourtant rien s’il n’en auoit point fait
d’autres. Il a rendu des seruices assez considerables à l’Estat pour ne pas
plaindre ce qui luy à cousté en ces occasions. Il s’est estimé heureux de les
payer souuent de son sang, s’il en eust esté besoin il les auroit acheptées de
sa propre vie. Ie souffre paisiblement ce reproche dont toute l’Europe le
deffendra bien. Mais d’endurer qu’on expose qu’il a touché de si grandes
sommes, luy à qui l’on doit prés de sept cens mil liures de ses pensions,
de qui les pierreries sont encores engagées à Lyon pour les affaires du
Roy, qui a presté en deux fois cent mil escus qui ne luy ont pas esté rendus :
Qui par ce moyen se trouue en arriere de plus de quinze cens mil
francs, sans parler de ce qu’il a mis du sien pour releuer la Table du Roy,
que le mauuais ménage du Cardinal Mazarin auoit renuersée, & sans
compter les sommes considerables que la Cour doit à Madame ma mere,
de qui elle les a empruntées dans la necessité où la reduisoit l’auarice de ce
Ministre. C’est ce que la plus grande moderation ne sçauroit souffrir qu’auec
douleur ; & l’on peut se fâcher contre le mensonge d’vn homme qui
veut que sa propre ingratitude soit le crime de ceux qui l’ont obligé.

 

Maintenant il ne nous reste rien à examiner sur le sujet des bien-faits,
que ceux qui ne touchent point la personne de Monsieur mon frere, mais
qu’on attribuë à son credit, & qu’on soûtient qu’il a procurez à ses amis.
L’autheur de la Lettre les traitte tous en general, & comme si le nombre
luy en empeschoit le choix, il se contente d’en indiquer les especes & ne
descend point aux exemples particulieres. Mais ie veux vous monstrer que
ces graces qui semblent paroistre en foule, se reduisent souuent à vne, se
reduisent souuent à rien. Il commence par la consideration que l’on a faite
des prieres de Monsieur le Prince, A quoy ie responds, que ceux dont il
a protegé les affaires de la Cour, sçauent bien par les difficultez qu’ils ont
trouuées aux choses les plus faciles, que sa recommandation a souuent
serui d’obstacle. Il vient ensuitte aux Breuets de Duc, comme s’il y en auoit
plusieurs, ou que Monsieur mon frere eust procuré cette dignité à feu
Monsieur de Chastillon, qui estoit le seul de ses amis à qui elle auoit esté



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