Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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plus long-temps opposées à la reconnoissance de sa Majesté ; peut-estre
que la Champagne n’eust pas esté si tost commise à la conduite de ce Prince ;
si la Reyne qui sçauoit combien l’Estat estoit redeuable aux soins de
Monsieur le Duc d’Orleans, n’eust voulu l’en recompenser en partie par
le Gouuernement de Languedoc. Ainsi donc comme son Altesse Royale
prit la direction de ce païs important pour sa situation & pour son estenduë,
qu’on luy donna encore la Ville & citadelle de Montpellier, & le fort
de Brescon, c’est a dire le commandement de lamer & de la terre. Le Cardinal
Mazarin n’eut plus de pretexte de refuser à Monsieur mon frere qui
se trouuoit sans establissement, le Gouuernement d’vne Prouince, beaucoup
moins considerable en toutes choses, que le Dauphiné que le Languedoc,
que la Guyenne, que la Bretagne, que les autres Prouinces de
nos frontieres ; & la recompense en cousta si peu, que lors qu’on laissa à
Monsieur de Schomberg pour la place qu’il cedoit, le Gouuernement des
trois Eueschez, auec la Ville & Citadelle de Mets, que dans le Languedoc
on luy bailla le Pont S. Esprit, & la Lieutenance Generale, qu’en
suitte on recompensa le Pont S. Esprit de quarante mil escus, & la Lieutenance
Generale de la charge de Colonnel des Suisses : on donna seulement
deux cens mille francs à Monsieur le Mareschal de l’Hospital, qui demeura
Lieutenant General de Champagne ; c’est à dire qui ne perdit quasi que
le titre de Gouuerneur, conseruant son credit & son authorité en ce second
lieu qu’il possede encore. Quand à la place qui fut promise au mesme
temps, & l’hyuer se passa auant que le Cardinal Mazarin eust satisfait à cette
parole, & mesmes il y a apparence que sa malice ambiguë & indecise en
eust d’auantage traisné l’execution, si par hazard le Gouuernement de
S. Quentin estant venu à vaquer, il ne l’eust fait accorder au sieur Thibaut,
qui sortant de Stenay, laissa cette place à Monsieur mon frere, sans qu’il
en coustast rien à la Cour.

 

Deux années s’écoulerent en suite, pendant lesquelles ce Prince poussant
les armes du Roy plus auant qu’elles n’auoient esté en Allemagne, passa
les anciennes limites des Gaules, & rencontrant les Ennemis à Nort-lingue,
où la fortune & la reputation auoient commencé d’abandonner
les Suedois, donna cette fameuse Bataille, remarquable par la défaite des
troupes de Bauieres, les plus braues & les mieux disciplinées de l’Empire,
& encore plus par la mort de Mercy, le premier homme de guerre de nostre
siecle, si nous en exceptons son vainqueur. La Campagne suiuante
il se trouua au siege de Courtray, & sur la fin de la saison ayant battu les
troupes du Marquis de Caracenes & pris Furnes, il acheua en treize iours
par sa seule preuoyance le siege de Dunkerke en dépit des Elemens, &
contre toutes les apparences humaines, empeschant par vne si celebre
conqueste, la facilité de la communication de l’Espagne auec la Flandres,
& restablissant nostre commerce que cette Ville ruïnoit sur l’Ocean, cependant



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