Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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pourtant point de justifier encore sa memoire, & ie m’asseure que toute
la France à qui elle est venerable, & qui le regrette comme le seul, dont
la sagesse pouuoit empescher les desordres qui l’ont affligée depuis sa mort,
ne trouuera pas qu’il ait esté trop recompensé des seruices que sa fidelité &
sa conduite ont rendus pendant sa vie.

 

On commence par la Charge de Grand-Maistre, que le Roy, dit-on, luy
confirma incontinent apres la mort du feu Roy. C’estoit donc le feu Roy
qui l’auoit donnée, luy que la seule consideration du merite y pouuoit
obliger ; & ainsi il n’y auoit aucune apparence que la premiere action de
sa Majesté eust esté vne action d’injustice, ny qu’il eust voulu commencer
son regne en dépouïllant son subiet, le premier Prince du Sang. Mais de
plus à qui, pour l’honneur de son seruice, pouuoit-il mieux continuer cette
Charge ? & quelles mains estoient capables d’en soustenir plus glorieusement
le Baston ? Car quant aux consequences que l’on y veut attacher
& à dessein de la supprimer qu’on attribuë au feu Roy : Ie ne voy pas bien
quel mal eust pû faire à l’Estat vne fonction qui n’a aucun commandement
ny sur les Armées, ny sur les Finances, & qui sembloit si peu capable
d’aider à nuire au feu Cardinal de Richelieu, dont la conduite estoit
fondée sur la défiance ; Que lors de la retraitte de feu Monsieur le Comte
de Soissons à Sedan, & de la declaration ouuerte de leur haine irreconciliable,
il ne sollicita point pour faire oster cette Charge à ce Prince qui
se declaroit son ennemy ; mais il luy en laissa la fonction libre pendant
les premieres années de sa disgrace.

On adjouste que presqu’au mesme temps que feu Monsieur mon pere
eut cette confirmation, il fut declaré Chef du Conseil. Ie ne veux point
retoucher icy aux premiers establissemens de la Regence, ny aux dernieres
dispositions du feu Roy. Vous sçauez assez le plan qu’il auoit voulu
laisser à la conduite de son Estat, & l’auantage que feu Monsieur le Prince
y pouuoit pretendre. Vous vous souuiendrez seulement, pour juger si ce
bien-fait nous rend si redeuables, de quelle sorte Monsieur le premier
President & Mõsieur l’Aduocat General Talon, loüerent en vostre Assemblée
Monsieur le Duc d’Orleans & Monsieur mon pere, d’auoir sousmis
leurs interests à la satisfaction de la Reine ; & s’il faut dire ainsi, sacrifié
leurs grandes pretentions à la grandeur de sa Majesté. Vous vous souuiendrez
que le mesme Arrest qui confirma la Regence, confirma Monsieur
mon pere en la place qui luy appartenoit de droit : Et ie m’asseure que la
Reine n’oubliera pas combien de fois alors, elle tesmoigna qu’elle estoit
satisfaite de sa moderation. Mais ie demanderois volontiers au Cardinal
Mazarin, qui luy eust pû disputer le rang de Chef du Conseil, & quelle
place il eust voulu qu’eust tenu pendant la minorité du Roy, le premier
Prince du Sang en l’absence de son Altesse Royale, à qui l’on donnoit la
Lieutenance de l’Estat, & le commandement des Armées ? Certes c’est



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