Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 85 --

deuant qui il devroit trembler ; & que méprisant vostre authorité, il commette
à vos yeux les derniers outrages de l’injure & de la vengeance contre
des Princes du Sang, sans que l’innocence de ces Princes puisse treuuer vn
azile. Souuenez vous des seruices importans qu’ils ont rendus à l’Estat. Rappellez
en vostre memoire que Monsieur mon mary a trauaillé à vous donner
vne Paix que le Cardinal Mazarin vous a ostée. N’oubliez pas que
Monsieur le Prince de Conty est venu à vostre deffense, lors que le Cardinal
Mazarin vous a voulu perdre ; auprés duquel cela seul peut l’auoir rendu
criminel. Songez que on sieur mon frere qui est le principal objet de
la hayne de ce commun Ennemy, a r’affermy la Couronne par le guain de
la Bataille de Rocroy. Qu’il a deliuré le Royaume de la ruine qui le menaçoit
par la victoire de Lens. Qu’il a fait triompher nos Armes sur les bords
du Rhin & sur les bords du Danube. Et si ces combats estrangers vous touchent
moins, quoy qu’ils ayent esloigné les forces d’Allemagne de nos
Frontieres : Faites au moins que la gloire de celuy qui les a gagnées vous le
rende recommandable : & qu’en cela l’interest de l’Estat vous tienne lieu
du vostre. Songez enfin que c’est ce Prince qui vous a ramené vostre Roy,
que le Cardinal Mazarin vouloit oster. Ce qui seul me semble d’vn si grand
merite, Que comme l’injure de l’auoir voulu retenir ne peut estre assez punie,
aussi le bien de vous l’auoir rendu est tel, que ie ne sçache point
d’homme si coupable, qu’vn seruice si grand ne rendist digne de sa grace.
Iugez ce qu’en doit attendre vn Prince dont l’innocence est si claire, dont
la fidelité doit seruir d’exemple, & qui a tant versé de sang & tant de fois
exposé sa vie pour garentir les vostres, pour asseurer vos biens, & pour
vous procurer le repos dans vos familles. Sur tout MESSIEVRS, afin
de mesler à nos malheurs la consideration des malheurs de la France, qui
ne me touchent pas moins que les miens, me donnent aussi lieu de vous
en parler. Puisque vous estes les seuls qui y pouuez remedier, puisque le
salut de l’Estat dépend de vos deliberations, montrés que rien ne vous
peut empescher d’en prendre de rigoureuses, quant elles sont iustes &
quant elles sont necessaires au bien public. Faites connoistre à la Reine de
quelle sorte son Ministre la trompe. Faites voir à Monsieur le Duc d’Orleans
que l’exemple de nostre persecution le touche, & que son propre interest ne
doit pas luy faire souffrir. Desabusés le Peuple des fausses impressions qu’on
luy donne. Ne le laissés pas se precipiter dans sa derniere ruïne ; allés au deuant
des maux qui sont prests d’accabler le Royaume. Considerés que
nous sommes sur le point de voir les Armes Françoises tournées contre les
François, le fer, le feu, & la faim prests à desoler nostre Patrie. Que nous allons
déchirer nos propres entrailles, que l’imagination ne conçoit rien de si
horrible que les desastres qui nous menassent. Empeschés les ESSIEVRS,
puis qu’il est en vostre pouuoir : & qu’on ne vous reproche pas que le Cardinal
Mazarin ait plus apporté de passion à perdre l’Estat, que vous à le


page précédent(e)

page suivant(e)