Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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& fascheuse, pour s’estre trouuez contraires au mariage d’vne petite
Estrangere ? pour n’auoir pas souffert la dissipation des charges de la Couronne ?
pour auoir empesché la ruïne de la Guyenne, du Parlement & de
la Ville de Bourdeaux ? pour luy auoir osté le moyen de s’emparer du
Gouuernement de Picardie & de toutes les places de cette Frontiere ?
Verrez-vous Monsieur mon frere mal-traitté, parce qu’il n’a pû consentir
que le peuple gemist derechef soubs la violence des nouueaux Edicts ?
& parce qu’il a deffendu ceux qui auoient des rentes sur l’Hostel de Ville
lors qu’on les en a voulu dépoüiller ? Pourra-t’on dire qu’à la face d’vn si
auguste Parlement vn Prince innocent, apres auoir conserué l’Estat, soit
traitté comme vn coupable ? Qu’on y ait leu contre luy vn libelle remply
des iniures les plus atroces, sans que l’autheur de ces iniures, dont le nom
odieux ne peut estre souffert parmy les choses honnestes, en aye receu la
juste punition ? Quoy, MESSIEVRS, on vous reprochera qu’vn Estranger
se sera insolemment mocqué des Declarations que vous auez obtenuës
auec tant de peine, auec tant de despence que vos armes luy ont arrachées
des mains ? Quoy, les passions furieuses de ce meschant homme violeront
en des personnes si Illustres, cette seule deffence qui restoit à la seureté publique ?
Quoy par des conseils pernicieux sans sujet, sans forme contre les
Coustumes, contre les Loix, des amis & des domestiques d’vne Maison
affligée seront traisnez dans des cachots, seront bannis comme s’ils auoient
trahy leur Patrie ; seront poursuiuis à force armée, seront liurez aux mains
des bourreaux ? Enfin verrez-vous long-temps le premier Prince du Sang
languir en captiuité sans estre preuenu d’aucun crime que de la hayne du
Cardinal Mazarin ? Verrez-vous Monsieur le Prince de Conty & Monsieur
mon mary dans cette mesme souffrance, sans que ny l’vn ny l’autre
soient coupables d’autre chose, que d’auoir aymé ce Prince, & d’auoir
obey aux sentimens de la raison, de la nature, de la pieté ? Laisserez-vous
long-temps Madame ma mere, & Madame ma belle-sœur releguées hors
de Paris ? Et s’il m’est permis de joindre mes infortunes à celles de nostre
Maison, me laisserez vous tousiours dans les larmes & dans la douleur
d’vn exil aussi funeste qu’il est iniuste ? Ie ne le pense pas, MESSIEVRS,
vous auez trop de soing de la Iustice ; Vostre conscience, vostre gloire,
vostre generosité ne vous le permettront pas. Remediez donc à des maux
si funestes : ostez cette honte à nostre Maison, & sauuez vostre Compagnie
du reproche. Qu’vn homme que vous auez condamné, qui a juré
vostre ruïne, qui depuis la Paix a voulu amener l’Armée d’Allemagne au
sac de Paris. Ne permettez pas, disie, que cét homme éleué de la bouë,
emporte aueuglément par son ambition & par ses crimes, que la plus grande
honte n’a iamais retenu du moindre vice, dont l’ignorance, l’incapacité
& la malice destruisent nostre Patrie, foule aux pieds toute consideration
des droits humains & diuins, qu’il abuse de vostre foiblesse : Vous,


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