Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
page précédent(e)

page suivant(e)

-- 72 --

ayt eu dessein de prendre les armes si on le refusoit : n’ayant nulle enuie
de pretendre aucune chose, & ne s’estant mesme reconcilié l’Esté passé
auec le Cardinal Mazarin, que de peur d’estre obligé à prendre les armes
pour le chasser. Car qui ne sçait pas que Monsieur mon frere voyant la
Reyne obstinée à le proteger, voyant vne caballe qui se formoit pour le
maintenir ; & Monsieur de Beaufort qui ne se vouloit pas engager auec
luy, il ayma mieux encore esperer que le temps détromperoit sa Majesté,
que de commencer la guerre Ciuile ? quoy que ses amis luy representassent
qu’il en faudroit enfin venir là : qu’il n’y auoit plus de seureté pour luy
en France s’il laissoit à la conduite des affaires son ennemy : d’autant plus
dangereux qu’il estoit caché, & que cét Italien reconcilié le perdroit enfin,
aussi bien qu’il perdoit l’Estat. Quoy qu’il iugeast bien que ces auis
estoient vrays, comme la suitte des choses les a iustifiez, il ayma mieux
plustost que d’en venir à la force esperer que la continuation des maux de
la France feroit voir à la Reyne, que cét Estranger la ruïnoit : Il ayma
mieux exposer sa vie aux embusches de son ennemy, ne s’imaginant pas
que n’ayant iamais commis la moindre faute contre le seruice du Roy (mais
au contraire, ayant cent fois exposé sa vie pour en maintenir & pour en
augmenter l’authorité & la puissance) on pust attenter publiquement à sa
liberté ; Et ne croyant pas possible que ny la Reyne ny Monsieur le Duc
d’Orleans, ny le reste du Royaume pûssent souffrir qu’on l’en priuast, ny
que sans sujet on persecutast leur deffenseur.

 

Enfin, c’est en vain qu’on tasche de luy imputer qu’il a fait approcher
prés de sa personne quantité de Gentils hommes, ou qu’il a eu dessein de
se retirer ; Car outre que c’est vne contradiction qu’il ayt voulu se fortifier
dans Paris, & qu’il ayt songé à se retirer de Paris, il est certain qu’il
n’a iamais esté moins accompagné que pendant sa derniere affaire : durant
laquelle ses parties (outre leurs amis ordinaires, ont tousiours remply le
Palais d’vn amas de Noblesse appellée des Prouinces & incognuë à la
Cour ;) Et pour sa retraitte il n’y a nulle apparence que luy, qui auoit
voulu renoncer à tout autre appuy qu’à celuy de la Reyne & de Monsieur
le Duc d’Orleans : songeast à les quitter en vn temps, où ses ennemis s’esleuans
auec audace, tentoient toutes sortes de voyes pour le perdre &
pour se fortifier. Ce qu’on peut dire auec raison : C’est que cét assassinat
entrepris contre luy, est vn dangereux artifice pratiqué par le Cardinal
Mazarin, comme tout le monde sçait à cette heure, afin de le rendre irreconciliable
enuers ceux que le Ministre en fit accuser à l’instant, par le
billet que Monsieur Seruien en escriuit à Monsieur mon frere ; & par là
obliger ce Prince à les ruïner, ou les forcer eux-mesmes à se jetter dans
ses interests contre ce Prince ; afin de le perdre par leur secours, & de les
perdre encore ensuite, puis qu’il les hayt mortellement, qu’il les croit
ses plus grands ennemis ; & qu’il les destine comme d’aueugles victimes



page précédent(e)

page suivant(e)