Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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interest a renoncé en apparence : & qui se doit moins nommer vne amitié
qu’vne faction.

 

Reuenons à nostre sujet, & voyons la plus étrange mécognoissance
que l’on puisse conceuoir. Lors que les commandemens de la Reyne obligerent
Monsieur le Prince à proteger le Cardinal Mazarin, & qu’on eust
dessein d’engager Monsieur de Lorraine à quitter le party d’Espagne ;
Monsieur le Prince de son bon gré sans en pretendre d’interests, sans en
demander de recompense, ayant donné son argent & ses pierreries voulut
encore donner son bien : & fit offrir à Monsieur de Lorraine de luy remettre
& le domaine & les places de Clermont & de Stenay s’il vouloit venir
au secours de la Cour, & separer ses Trouppes de celle de Monsieur
l’Archiduc. Et cependant au lieu de témoigner quelque gratitude de cette
action, puisque Monsieur mon frere n’en vouloit point de recompense,
le Cardinal Mazarin par vne malice noire, passe à vne autre extremité : &
non content de m’escognoistre le seruice que Monsieur mon frere auoit
voulu rendre en se despoüllant de son bien ; Il luy impute que sur quelques
difficultez (qui ne sont point leuées comme il dit, & comme vous
sçauez MESSIEVRS, puis que le procés en demeure encore indecis) il a
demandé Sedan, ce qui est vne imposture : Mais Sedan qu’il publie qui a
esté recompensé de la valeur de beaucoup de millions : quoy qu’il soit tres-veritable
qu’on n’a rien executé de ce qui a esté promis à Monsieur de
Bouillon par le Traitté de Paris ; & qu’au contraire le seruice qu’il voüa
au Parlement en cette occasion, empesche qu’on ne luy rende la Iustice
qu’on luy doit, & soit cause de la violence & du mauuais traictement
qu’on fait souffrir aux personnes qui luy sont les plus cheres & les plus
proches. Poursuiuons.

Le Cardinal Mazarin s’auise de trouuer mauuais vne chose qui estoit la
plus iuste du monde, & qu’on ne pouuoit refuser ; quand Monsieur le
Prince qui n’y a iamais eu d’autre interest que celuy de l’amitié, n’y en eust
point pris du tout, Monsieur Arnaud apres auoir tousiours seruy dans nos
Armées depuis le commencement de la guerre, pour trouuer quelque repos
à ses trauaux & quelque assiette à sa fortune, demande à recompenser
le Gouuernement d’Auxonne ; Le Cardinal Mazarin y consent : publie
l’affaire equitable : declare qu’il y veut seruir vn vieux Officier, plein
d’honneur & de merite. Et cependant dés le moment que Monsieur le
Prince est arresté, ce qui estoit vne action de Iustice deuient vn manquement,
mais vn manquement dont on charge Monsieur le Prince. Qui a
iamais oüy parler d’vne telle impertinence ? En voicy vne qui n’est pas
moins estrange. Monsieur mon frere a voulu marier Monsieur de la Moussaye
à la fille de Monsieur d’Erlach, il a commis vn grand crime : cette alliance
ne s’est pas faite, Monsieur d’Erlach a vtilement seruy l’Estat. Le
Cardinal Mazarin ne conserue pas le respect qu’il vous doit, quant il



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