Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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Prouince pour satisfaire à la vengeance, & à l’aueugle emportement d’vn
particulier, elle n’estoit pas honneste : car sous quel pretexte persecuter
ceux qui protestoient de demeurer dans l’obeïssance ? qui ne demandoient
que l’execution des Declarations de sa Majesté, qui supplioient qu’on
éloignast la cause de tant de desordres. Mais quand cette guerre eust esté
specieuse, quant elle eust esté juste, quand elle eust esté necessaire ; considerez
de grace, si elle eust pû reüssir. On ne la pouuoit faire en Guyenne,
qu’auec les trouppes qui seruoient en Flandres ; qui n’eussent osé pendant
l’Esté laisser la frontiere découuerte ; La Cour n’auoit point d’argent pour
en faire de nouuelles, toute la Prouince sousleuée contre Monsieur d’Espernon,
la Noblesse, les Villes, les peuples ne luy permettoient pas d’y
en amasser. Les trouppes auoient pâty pendant l’Hyuer au siege de Paris :
l’Esté à la guerre des Païs Bas : Il falloit qu’elles fissẽt deux cẽs lieuës pour
se rẽdre à Bordeaux, & loin de se mettre aux quartiers d’Hyuer, elles auoiẽt
encor à passer vne secõde fois cette rude saison à vn siege perilleux & lõg :
on n’y en auoit enuoyé qu’vn nombre assez foible : le païs estoit contre eux :
la longueur des marches, les maladies, la faim, le manquement d’argent
les auoient fort affoiblies ; Que pouuoit donc faire vne armée si harassée, &
si peu considerable, contre vne grande Ville peuplée, pleine de gens aguerris,
riche & abondante en toutes choses, qui auoit vn Port, vn grand Fleuue,
des vaisseaux de guerre ; qui se voyoit deffenduë par de fort braues
soldats, sous des personnes de Condition, vieux Officiers, les vns cognus
par leur valeur, les autres par l’experience, où enfin tout le monde estoit
vny & prest de perir pour vne si bonne cause : & quand bien l’Armée qui
l’attaquoit eust esté beaucoup plus forte, quand les Bourdelois eussent eu
lieu de craindre leur perte, l’extremité pouuoit-elle pas obliger d’appeller
les Espagnols prests de les seruir, & de se seruir d’vne occasion si fauorable
pour arriuer à la Paix, que le Cardinal leur refuse ? où les Hollandois qui
par la raison de leur grand Commerce se vouloient interesser en cette affaire.
Les Huguenots fussent-ils demeurez tranquilles en cette rencontre dans
vn païs auquel ils sont si puissans : & n’eust-ce pas esté vne belle occasion à
l’Anglois de renouueller ses pretentions sur la Guyẽne, & de descendre encore
vne fois à la conqueste de ce païs : eust-il enfin si aisément surmonté la
Noblesse, & les Prouinces voisines qui se declaroient en faueur de Bourdeaux ?
qui auoit tousiours la Mer ouuerte, tant de forces en soy, & tant
de secours à esperer ? Le Cardinal Mazarin n’a donc pas lieu d’accuser
Monsieur le Prince des diuers chemins qu’il a tenus pour pacifier ces deux
Prouinces, toute autre maniere d’agit eust esté inutile, & n’auroit pas
reüssi ; Et il faut confesser, MESSIEVRS, que si autrefois vn Romain
pour auoir sauué vn Citoyen meritoit vne Couronne, il n’y en a point dõt
Monsieur le Prince ne soit digne, ayant garanty d’vne ruïne euidente pour
les conseruer à la Couronne, deux des plus grandes & des plus belles Prouinces


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