Bourbon-Condé, Anne Geneviève de (duchesse de Longueville) [?] [1650 [?]], APOLOGIE POVR MESSIEVRS LES PRINCES, ENVOYEE PAR MADAME DE LONGVEVILLE A MESSIEVRS DV PARLEMENT DE PARIS. , françaisRéférence RIM : M0_126. Cote locale : B_6_48.
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qui l’ont considerée selon sa nature, c’est à dire comme vne chose de rien.

 

Le Cardinal Mazarin mesme, quoy que par tout son discours il exagere
les moindres choses auec des hyperboles, au lieu de traitter de sacrilege
vn si grand Criminel, comme il pretend que Monsieur de Gerzé est, au
lieu de luy dire les injures que l’on attribuë aux fautes qui vont contre la
Diuinité, se contente de l’appeller étourdy & extrauagant. Et si cela est,
comment pretend-il excuser le manquement qu’il a fait, de commettre
pendant vn si long-temps, la garde de la personne sacrée du Roy, entre les
mains de cét étourdy ? entre les mains de cét extrauagant ? Mais d’où venoit
cette grande amitié qu’il auoit contractée auec luy ? estoit-ce la ressemblance
des mœurs qui l’auoit produite ? qui l’auoir liée ? Mais d’où vient,
& cecy surprend tout le monde : d’où vient qu’apres auoir regarde Monsieur
de Gerzé comme sa creature, apres luy auoir donné les premiers employs
de la guerre, apres l’auoir veu souffrir pour son nom, apres tant d’amitié
& tant de tendresse : en vn moment il est passé contre luy à vn excés
de hayne, sans aucune cause ny legitime ny apparente ? qu’il a esté son persecuteur,
luy qui le deuoit proteger, d’où vient que son affaire qui ne peut
sembler solide à aucun homme iudicieux est vne des choses qui a le plus allumé
son courroux contre Monsieur le Prince ? Ne découurons pas ce secret,
& pardonnons luy vne folie qui passe toutes les autres. Car de dire
que deuant, comme il fait, vingt mil escus à ce Gentilhomme, il a cherché
à luy faire vne insulte pour ne le point satisfaire. Cette raison ne semble pas
assez forte, d’autant que tous ceux qui l’aprochent estans ses creanciers, il
faudroit qu’il se deffist entierement de ses cognoissances, s’il vouloit quereller
les gens dont il a emprunté le bien sans le rendre, & puis quel rapport
auroit cela auec la colere qu’il en a témoignée contre nous ? Quoy
qu’il en soit, ie suis bien asseurée que Monsieur mon frere n’attirera pas
sur soy l’indignation des François, pour auoir souffert Monsieur de Gerzé
comme le dit le Cardinal Mazarin. Nostre nation en a bien d’autres sujets,
& la subuersion de l’Estat que ce Ministre auance à grand pas la merite
toute entiere.

Quant mesme il n’auroit point fait d’autres manquemens en sa conduite
que d’auoir pensé ruiner les affaires de Bourdeaux, ce seroit assez pour luy
attirer l’auersion de tout le monde, mais puis qu’il a encore l’effronterie
de continuer à imputer à Monsieur mon frere, les erreurs qu’il a commises
en cette occasion, & qu’apres auoir fomenté les mouuemens de la
Guyenne, il le veut rendre responsable des desordres qu’ils ont causez. Il
est necessaire que ie retourne son crime contre luy & que ie vous montre
clairement qu’en ces deux affaires d’Aix & de Bourdeaux, la conduite de
Monsieur le Prince a esté aussi sage & aussi heureuse que celle du Cardinal
Mazarin a paru turbulente, passionnée, & par tout remplie de mauuaise
foy & de desir de vengeance. Pour ce dessein il semble necessaire de retoucher



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